Je suis plutôt late to the party considérant que la première saison de District 31 s'est terminée à la fin avril, mais il faut avouer que, question émission quotidienne, j'ai toujours été plus Ramdam que Virginie. J'ai quand même écouté LA série québécoise de l'année, surtout par curiosité. Bon, est-ce que c'est un chef-d'œuvre? Certainement pas. Est-ce que c'est un bon divertissement? Ben oui.
C'est certain que le jeu de Magalie Lépine-Blondeau n'arrivait pas à la cheville de celui d'Hélène Bourgeois-Leclerc et que j'ai passé les 120 épisodes à me demander pourquoi ce n'était pas cette dernière qui avait le rôle principal. La relation entre Nadine et Patrick m'a fait lever les yeux au ciel plus souvent que je ne peux le compter et j'ai franchement eu l'impression que le tiers des meurtres au Québec passaient par leur poste de police, mais malgré tout, l'histoire est plutôt bien ficelée et les comédien.ne.s savent ce qu'ils.elles font. Alors pourquoi je chiale, au juste?
C'est qu'au district 31, il y a des enquêteurs aux homicides, une enquêteuse aux crimes sexuels et un dernier qui se concentre sur le crime organisé. Les motards et la mafia, c'est lui qui s'en occupe… sauf que lui, et tous ses collègues d'ailleurs, préfèrent dirent « les Italiens ». Sy-sté-ma-ti-que-ment. JAMAIS on ne parle de mafia. C'est comme dire « les musulman.e.s » plutôt que de parler de terroristes.
Vous pensez que j'exagère? Les Italien.ne.s ont pourtant connu une immigration très difficile en Amérique du Nord. Bon, ceux et celles qui sont venu.e.s ici à l'époque de la Nouvelle-France ont vécu une adaptation plutôt smooth, mais ils.elles étaient à peine 11 000 au pays en 1900. De là à la Première Guerre mondiale se sont installés 120 000 Italiens et Italiennes au Canada et c'est encore plus de gens qui sont venus entre 1940 et 1970, l'Italie ayant été très touchée par la Seconde Guerre mondiale et les réparations qui s'en sont suivies. L'immigration massive d'une population généralement peu éduquée et plutôt pauvre est tristement rarement vue d'un bon œil par ceux et celles qui les accueillent, et ce fut le cas pour les Italien.ne.s qui ont notamment connu la ghettoïsation (eh oui! pas si glam, la Petite Italie). Si ça vous paraît loin, demandez à vos parents. Ils connaissent peut-être Salconi l'Italien et ses blagues du genre : « Pourquoi les Italien.ne.s mangent pas de sandwich à la marde? Parce qu'ils aiment pas le pain! » Cet humour plus que douteux a fait partie du quotidien d'une génération pas si lointaine, mais il est pourtant déjà oublié par ceux et celles qui le perpétraient.
Même si, de nos jours, on dit surtout que l'Italie, c'est donc ben beau et que la bouffe est donc bonne, ça pue encore à plein nez le relent de stéréotypes. C'est peut-être fini les jokes de coquerelles dans nos logements ou de shampoing à la morve, mais les communautés italiennes en diaspora, pour ne pas dire en Amérique du Nord, n'ont pas fini leur lutte, même si pas grand monde ne les écoute.
Vous voulez savoir ce qui ne fait pas rire un.e Italien.ne? L'associer à la mafia est pas mal en tête de liste. Je ne sais plus combien de fois on m'a demandé si je connaissais un mafioso juste à cause de mes origines. Demandez-vous ça aux Chinois.ses ou aux Russes que vous rencontrez? Vous rendez-vous compte à quel point c'est une infime partie de la population qui est mêlée à la pègre? Voyez-vous à quel point ça n'a aucun sens d'associer le crime organisé à un pays complet avec 61 millions d'habitant.e.s? Mets ça dans ta pipe, Fabienne Larouche.
Parmi les autres stéréotypes qu'il est plus que temps de voir disparaître, il y a que les hommes sont tous machos et que les femmes sont cochonnes. Qu'on s'entende : l'Italie est un pays machiste, mais est-ce que tous les individus qui en sont issus le sont ipso facto? Et est-ce que j'ai vraiment besoin d'expliquer que ce n'est pas parce que vous trouvez l'accent italien super sensuel que la femme qui le parle veut vous rouler des pelles? La gang de Jersey Shore n'est pas représentative d'une nation complète.
Finalement, il y a les stéréotypes positifs. Comme on ne doit pas assumer qu'un.e Noir.e sait super bien danser, on n'a aucune raison de croire que les Italien.ne.s sont plus romantiques que d'autres, qu'on fait à manger comme des Dieux ou qu'on est toujours à la fine pointe de la mode. Je veux dire, talk about pressure.
Alors, pour la prochaine saison de District 31, je souhaite que les Italiens prennent le bord et que la mafia soit sur toutes les lèvres. Sur ce, je m'en vais écouter du Pavarotti en mangeant des tortellinis en robe Versace, ciao.