J’ai mis les pieds ici au Chili en 2015, lors d’un stage d’initiation à la coopération internationale. Mes voyages précédents me semblaient fades, superficiels et ne m’avaient pas donné la chance de connaître les gens de la place. J’ai été servie quand je suis venue vivre pendant trois mois dans une famille de La Pintana, un quartier assez pauvre de Santiago. On peut dire que je n’ai pas connu le Santiago que la majorité des expatriés connaissent, lorsqu’ils viennent en voyage. Par là, j'entends que le centre-ville et les quartiers font penser à Montréal ou Toronto. Et je m’en rends bien compte lorsque je participe aux réunions d’équipe de l’école de langue où je donne des cours. Nos visions du Chili sont très différentes.
Puisque le mercure frôle le zéro pendant la nuit en juin, juillet et août, on doit utiliser un chauffage d'appoint et on dort avec une tuque et un foulard. Les maisons communes ne possèdent aucun système de chauffage.
Je me suis rapidement acclimatée au rythme de vie chilien. J’avais l’impression de me retrouver dans ma propre famille, du monde comme moi, pas de filtre, drôle et attachant. J’ai été séduite aussi par un collègue de travail qui est aujourd’hui mon petit mari, mais ça, c’est une autre histoire…
À mon retour, j’ai tout mis en place pour revenir vivre auprès de celui que j’aime dans un pays qui m’avait conquise. À ce moment-là, un ami équatorien en couple avec une Québécoise aussi dans un contexte de coopération m’a mise en garde : être en voyage dans un pays est une chose, mais immigrer dans ce pays en est une autre. Sur le coup, je ne l’ai pas pris au mot. J’ai pris mon avion et suis arrivée ici il y a un an, les yeux brillants, dans l’attente de retrouver tout ce qui m’avait manqué.
Crédit : Elias Arauz
L’emballement du début a rapidement cédé la place à un tas de petits tracas qui, avec le temps, se sont alourdis. Par exemple, vivre en campagne chez mes beaux-parents à deux heures du centre-ville a été épouvantable. J’ai aussi été happée par la différence culturelle qui ne s’était pas fait sentir la première année dans ma famille d’accueil. Mon ami n’était pas à côté de la plaque. Venir vivre dans un autre pays n’est pas une chose facile. Quand on n’est que de passage, on accepte des petites choses qui, en temps normal, nous dérangeraient chez nous. Par contre, quand on vient s’établir, on doit apprendre à dealer avec ces choses pour toujours. L’adaptation est plus difficile… mais possible.
Le café instantané en poudre est le seul qui est accessible. Je ne m'y suis jamais habituée. Un cappuchino coûte les yeux de la tête ici!
J’ai la chance d’avoir ici avec moi une très bonne amie qui était avec moi pendant mon premier voyage en 2015. Toutes les deux, nous voulions vivre ici au Chili de manière permanente. De pouvoir verbaliser certaines choses avec elle est un atout important.
Crédit : Elizabeth Dupont
Aussi, je dois dire que je suis privilégiée. Mon petit mari est extraordinaire et très à l’écoute. Il a immédiatement perçu que c’était difficile pour moi de vivre dans sa famille. Nous avons alors emménagé ensemble au centre-ville dans les semaines suivantes. En fait, nous sommes très semblables et la communication est omniprésente dans notre relation. Cela m’a grandement aidée à passer à travers les épreuves de mon adaptation. Je crois que je serai toujours un peu déstabilisée dans cette autre culture qui n'est pas la mienne, mais en même temps, j’aime être dans cet état. Ma curiosité envers les autres est servie!
Cette semaine, cela fera un an que je suis de retour au Chili et je suis très contente d’être ici. Il y a des jours plus difficiles que d’autres, j’aimerais que mes deux mondes cohabitent, mais ils sont à plus de 12 000 km de distance. Alors, quand je m’ennuie, j’appelle ma mère sur FaceTime, je mange des crêpes au sirop d’érable et je me fais de la poutine avec ma sauce en sachet St-Hubert en écoutant Pierre Lapointe.