Je ne saurais dire combien de fois par jour je peux entendre dire : « Ouain j’suis pas mal laid.e aujourd’hui ». C’est presque devenu une phrase banale, comme si on ne l’entendait plus, comme si on ne s’y attardait plus. Ben oui, moi aussi ça arrive.
Pour avoir travaillé avec ÉquiLibre pendant deux ans, je sais que les problèmes d’estime de soi sont très présents chez les jeunes. J’en suis parfaitement consciente, je connais bien les enjeux, et je fais du mieux que je peux pour combattre ces préjugés autour de moi jour après jour. Ce que je constate, c'est que ces problèmes sont aussi vécus par les personnes moins jeunes et qu'on en parle moins.
Si j’ai mentionné à quelques reprises travailler au rayon cosmétique d'une pharmacie, c’est que, honnêtement, j’ai beaucoup appris de cet emploi, et j'apprends encore. J’ai été frappée par une réalité que je sous-estimais. Je ne saurais dire combien de fois des femmes sont venues me voir pour un cache-cernes, un fond de teint, une crème antitaches, une crème antirides ou des produits anticellulite en ayant en tête qu’elles voulaient cacher leur âge.
Je mets aussi du cache-cernes pour camoufler mes cernes. C'est une évidence. Mais quand j’entends mes clientes me dire : « Ouain, mais c’est facile à dire pour toi, t’es jeune », ça me trouble un peu. Oui, à trente, quarante, cinquante, soixante ans, notre peau change nécessairement. Nous aurons tous des rides, c’est inévitable, mais ça ne nous rend pas laid.e.s pour autant.
Je trouve ça triste d’entendre à répétition des dames me dire qu’elles se trouvent laides, carrément. De voir leur regard triste et découragé juste d'en parler. De les voir toutes maquillées et arrangées, et de les entendre me dire que, ce matin, elles avaient de la misère à se regarder dans le miroir, et de les voir dépenser une facture d’une centaine de dollars pour des produits qui, elles l'espèrent, pourront cacher les signes caractéristiques de l'âge.
À chaque fois, je me sens un peu mal à l’aise, pas à cause de leurs confidences, mais plus parce que je me sens totalement impuissante face à ce qu’elles vivent. J’aimerais tellement trouver quelque chose à leur dire, mais on ne parle pas à une dame de 55 ans comme on parle à une adolescente de 15 ans. Et ma parole ne semble pas valoir grand-chose dans la balance, elles qui pensent que je ne comprends pas ce qu’elles vivent.
Elles n’ont pas tort, même si, pourtant, je sais ce que c’est que de se lever chaque matin et de détester son corps, son visage. De souhaiter changer d’apparence. De relever chaque petit défaut que l’on possède à toutes les fois que l'on passe devant le miroir.
Elles ont raison, je ne les comprends pas de se trouver aussi peu jolies. Car pour moi, rides ou pas, elles sont très belles. Je dénote souvent chez elles une force ambiante, un beau sourire, des yeux pétillants, un rire facile.
J'aimerais leur dire, mesdames, votre visage et votre corps ont peut-être changé, mais vous êtes restées fondamentalement la même personne que vous étiez, il y a quelques années, et ce, peu importe ce que vous voyez dans les médias ; on ne dénonce pas assez l'âgisme dont ils font preuve.
À toutes les mères, ce n’est pas parce que les bougies s’additionnent sur votre gâteau d’anniversaire qu'on vous oublie, qu'on vous trouve moins belles, qu’on vous aime moins, et que vous devenez moins magnifiques.