Tout sacrer là pour retourner à l’école : la fois où j’ai choisi de vivre ma passion pleinement
Catherine BoucherDurant ma troisième année d’études en travail social (j’ai fait mes études en quatre ans #BecauseMoney), mes amies et moi on travaillait sur un projet communautaire qui m’emmerdait profondément. J’ai tout fait pour que ça ne paraisse pas, esprit d’équipe et tralala, mais mautadine que le projet était quétaine. LA JOURNÉE DE LA BONNE ACTION. FABRIQUER DU BONHEUR DANS LE CÉGEP. J’aime beaucoup ça, pelleter des arcs-en-ciel, mais j’étudiais en intervention et dans ma tête de madame de 20 ans, je ne trouvais pas ça très concret. Anyway.
Toujours est-il, pour travailler sur la portion écrite du travail, nous étions allées rencontrer un prof de socio pour nous aider dans notre compréhension de différents concepts. Je suis tombée en amour. Pas avec le prof là, mais avec ce qu’il disait. Les analyses et perspectives qu’il partageait avec nous me parlaient plus que tout le reste de ma formation. C’était comme si le travail social faisait un face à face avec la science pour accoucher d’une discipline qui me fascinait : la sociologie. J’ai terminé mes études, j’ai trouvé une job dans mon domaine, j’ai aimé ça et je ne me suis pas posé trop de questions.
Puis, en terminant ma technique, j’étais épuisée. No way que j’allais m’inscrire à l’université à ce moment-là. J’avais bien des choses dont il fallait me remettre et ma santé mentale était ordinaire sur un pas pire temps. J’ai rencontré un garçon costaud et grand dont je suis tombée amoureuse. J’ai commencé à toucher un salaire correct (c’est-à-dire une fortune si l'on compare à mon revenu des années précédentes), et j’ai été happée par la vie. Pas de remise en question, juste un bungalow de banlieue avec une clôture blanche, une piscine hors terre et un labrador, tout en me disant que si je gagnais à la loterie, je sacrerais tout ça là pour m’inscrire à l’université. For real.
La maison et le labrador ont pris le bord après quelques années quand l’amoureux a tiré la plogue sur la relation. Ma tête s’est mise à tourner. Je me demandais où allait ma vie. Qui suis-je, que fais-je, où vais-je? J’avais le vertige. Le vertige du quotidien. J’étais prise dans une boucle infernale. Les semaines étaient toutes presque identiques. Même si je changeais de job, ce serait interventions, notes de dossier, réunions, interventions, tables de concertation, notes de dossier, et ainsi de suite.
Les choses qu’on adore peuvent donner le tournis quand on sait qu’on ne fera que ça pour les quarante prochaines années. Pendant ce temps, j’avais un rêve qui dormait dans ma petite tête, sauf que j’avais peur.
Quand mon amie s’est inscrite en sociologie, ça m’est rentré dedans solide. J’étais à la fois fière d’elle et envieuse de son courage, de ses choix. Je lui ai dit qu’elle vivait mon rêve et elle m’a demandé pourquoi, moi, je ne le faisais pas. Je suis retournée dans mon appart' vide, la tête en bouillonnement. Est-ce que je pouvais vraiment continuer comme ça? De quoi avais-je peur? Allais-je regarder mon amie progresser dans un parcours qui, je le sentais, était aussi ma place, tout en restant dans une vie dans laquelle je me contentais? Parce qu’elle était « correcte », sans pour autant m’amener à m’épanouir pleinement?
Pour faire une version courte – parce que la version longue inclut une histoire d’amour douce comme du barbelé – je me suis inscrite à l’université, j’ai vendu mes électros, déménagé en colocation à Montréal et abandonné mon poste et ses avantages pour un horaire irrégulier à temps partiel. J’ai des lectures par-dessus la tête, presque pas de temps pour moi, je refuse régulièrement des activités avec mes ami.e.s, je m’endette (ben oui), mais, sincèrement, je ne pourrais pas être plus heureuse.
MEILLEURE. DÉCISION. EVER.
Je recommencerais n’importe quand.
Dites-moi, quel rêve remettez-vous à demain?