Le 25 janvier de chaque année, une foule de personnes partage plein de trucs sur les réseaux sociaux avec le hashtag #BellCause. Ok oui, y'a beaucoup de positif derrière tout ça, mais y’a aussi quelques petites affaires qui me chicotent pas mal.
Le malaise que je ressens est lié à plusieurs choses. La première étant que, parmi toutes les personnes qui partagent ce hashtag, plusieurs semblent se foutre un peu beaucoup de leurs faits et gestes envers les personnes atteintes de maladies mentales, dans leur quotidien.
Pour mettre fin aux tabous, aux jugements et à la stigmatisation, il faut commencer par cesser d’utiliser des mots blessants et des expressions ridicules, que pas mal de gens disent tout le temps.
« WOW C’EST MALADE MENTAL. »
« J’aime crissement ça, le ménage, j’ai tellement plein de TOC haha. »
« Ben oui, j’ai compris le principe, j’suis pas attardé mental lol. »
« J’étais triste hier parce que j'avais de l'école, genre que j'étais méga dépressif, t’sais. »
« T’es ben dans ta bulle, t’es-tu autiste LOLOL? »
« T'es ben mince, t'es-tu anorexique coudonc ahah? »
On se dit que ce ne sont que des façons de parler pis que c’est pas bien grave.
Sauf que oui, c’est grave. Y’a pas de raison de lancer des « malade mental », « débile mental », « attardé », « handicapé mental », « bipolaire », « TOC » par-ci par-là, pour parler de tout et de rien. Même chose pour les imitations pis les supposées blagues.
Les tabous et les stigmatisations autour des maladies mentales sont réels et utiliser un langage comme celui-ci, c’est extrêmement déplacé et irrespectueux. Avec la quantité de mots qui existent déjà pour s’exprimer, je ne vois aucune justification possible quant au fait d’utiliser encore ces expressions comme si de rien n’était. Il faut comprendre qu’utiliser ces mots, c’est banaliser et ridiculiser ce que vivent les personnes atteintes de maladies mentales, peu importe les intentions.
Deuxièmement, le gouvernement coupe sans cesse dans les programmes d’accès et de soins en santé mentale et semble presque se reposer sur ce genre de cause pour financer le tout. C’est extrêmement problématique, surtout que ces programmes tendent souvent vers des approches désuètes, basées sur la société de performance dans laquelle nous vivons, qui prônent le travail comme seul et unique réalisation acceptable. Le but d’un programme d’aide, ce n’est pas juste de retourner travailler pour être utile à son employeur pendant quelques mois, t’sais.
Les ressources publiques sont débordées et ne peuvent répondre à la demande, en plus de ne pas toujours être adaptées. C’est bien beau de dire haut et fort à tous.tes de ne pas hésiter à aller chercher de l’aide, mais de l’aide, y’en a pas tant que ça de disponible.
Saviez-vous qu'au public, les délais d’attente lorsqu’un.e médecin effectue une référence dans un guichet de soins en santé mentale va de plusieurs mois à quelques années? Ben ouais. Ça fait que par exemple, si jamais vous avez des idées suicidaires, il se pourrait que vous deviez tout bonnement attendre vraiment longtemps pour obtenir des soins. Quelques mois, quelques années. Espérons que personne ne se tue pendant ce temps-là, han.
La responsabilité des problèmes de santé mentale repose presque totalement sur les épaules des individu.es. Les maladies mentales sont souvent liées à d’autres enjeux comme la pauvreté, les inégalités sociales, le contexte politique, l'itinérance, les conditions dans les milieux de travail, le sexisme, les violences systémiques, le racisme, la culture du viol, etc. Plutôt que d’essayer d’amener un changement à la source même de ces enjeux, l’accent est plutôt mis sur les personnes elles-mêmes, comme si elles devaient, à tout prix, effectuer huit mille changements dans leurs propres vies pour être adaptées à notre société pourtant défaillante sur tant aspects.
Ce n’est pas exclusivement en encourageant une cause une fois par année qu’on peut se permettre collectivement de s’en laver les mains par la suite en remettant le tout aux soins des dirigeant.es, qui échouent présentement dans le support des personnes marginalisées, opprimées et vivant avec des maladies mentales.
C’est super de partager ce hashtag, mais il ne faudrait pas oublier ce que nous pouvons tous.tes faire concrètement, et ce, tous les jours de l'année. Lorsqu’on est témoin d’une situation déplacée ou qu’on entend des personnes utiliser les expressions mentionnées ci-haut, si on ne dit rien, on se range du même côté que les oppresseurs. Il faut arrêter de laisser des préjugés se propager continuellement.
Essayons d’être attentifs et attentives à ces nombreuses choses, ce serait un excellent pas en avant pour le réel bien-être des personnes concernées.
On pourra dire que la maladie mentale ne sera plus un tabou lorsque ce sera aussi rapide et acceptable d’obtenir des soins pour un trouble bipolaire que pour une jambe cassée.
Pour obtenir des informations sur les ressources disponibles au public en santé mentale, vous pouvez cliquer ici.