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Je suis incapable de pleurer
Crédit: Anelina/Shutterzstock

Vous avez déjà vu le film The Holiday (ou « Les Vacances ») avec Kate Winslet, Jude Law, Cameron Diaz et Jack Black? Il figure sur le top de ma liste de films préférés! Ça parle de voyage via l'échange de maisons, de l'importance de créer des liens à l'étranger, de tomber en amour, bref, tout ce que j'adore! Mais, j'aime aussi ce film parce que je m'identifie énormément au personnage de Cameron Diaz, qui d'après moi, doit être plutôt incompris par le reste des spectateurs.

Elle n'arrive pas à pleurer. Jamais.

Elle apprend que son chum la trompe, elle le quitte, mais elle n'y arrive toujours pas. On dirait en la regardant que c'est un peu ridicule son affaire, que c'est exagéré. Mais, j'ai longtemps été comme elle.

Quand j'étais jeune, ma mère était alcoolique et dépressive. Elle pleurait très très très très très souvent. Elle avait des sautes d'humeur intenses. En quelques instants, elle pouvait être super souriante, puis sacrer de colère, puis pleurer. Elle n'avait pas vraiment d'ami.e.s. Ça n'allait pas bien avec mon père. Moi, sa fille aînée, j'étais donc sa confidente. Je suis soudainement devenue le parent de mon parent (et de mon petit frère et de ma petite sœur). Je devais l'écouter, la conseiller, lui dire que ça irait, la sortir du lit, lui faire à manger. Au fond de moi, je la jugeais constamment.

Une mère qui agit ainsi avec sa fille, pour moi, c'était une mère faible. Pas capable de comprendre que son enfant ne devrait pas avoir à jouer ce rôle-là. Pas capable de se faire des amis et de se confier à eux. Pas capable de consulter un professionnel à la place. Pas capable de contenir ses larmes, sa frustration, sa peine, ses sautes d'humeur. Pas capable de se contrôler. Pas capable d'agir en adulte, en vraie adulte. 

Pendant de nombreuses années, j'étais incapable de pleurer. Au secondaire, je suis la seule de mes amies qui n'a jamais été pleurer en cachette dans les toilettes. Souvent, les filles m'ont dit que mon jour arriverait que ce serait à leur tour de me consoler comme je l'ai fait pour elles. Ce jour n'est jamais venu.

Je sais que c'est faux, mais dans ma tête, pleurer, c'est manquer de contrôle de soi, c'est faire preuve de faiblesse, c'est déranger les gens autour de nous qui doivent être témoins de nos larmes, qui doivent nous endurer. Parce que c'est de cette façon que je me sentais avec ma mère. Je me sentais prise. Elle n'avait personne d'autre, donc je devais endurer ses larmes même si elles revenaient toujours et que mes commentaires et mes efforts n'avaient aucun impact sur celles-ci.

Bref, j'ai travaillé sur la perception que j'avais de ma mère, sur ma perception de la « faiblesse ». J'ai dû vieillir pour comprendre qu'elle avait une maladie, qu'elle n'avait pas de contrôle sur celle-ci et qu'elle n'était pas faible pour autant. J'essaie tous les jours de me convaincre que c'est sain de pleurer. Que ce n'est pas parce que ma mère était trop « lourde » pour moi, que je serai trop « lourde » pour les gens autour de moi. Mes amis sont adultes. Elle se confiait à une enfant. C'est différent. Elle était malade. Je ne le suis pas. Pleurer n'est pas le symptôme unique de la dépression non plus. Pleurer est un symptôme de la vie humaine. Tout simplement.

L'autre jour, j'ai pleuré au cinéma. Mon chum était mal. C'était quand même assez drôle de le voir. Il ne savait pas comment réagir. Je pleurais! En public en plus! Moi, j'étais heureuse. Le film était assez touchant pour me faire verser des larmes en public. Et ça ne me gênait pas (trop). C'était la preuve que je suis en train de guérir. Ma perception change pour le mieux. 

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