Quand j’avais à peu près 13 ans, j’adorais tout ce qui était « clairement » destiné aux filles. C’est à cette époque que j’ai commencé à découvrir des livres tels que le Dico des filles (France) et l’ABC des filles (Québec). J’y ai compris la contraception, le premier amour, le stress, etc. Tout y était, et ces livres, je les ADORAIS. C’était genre la bible pour une jeune ado de 13 ans qui entre au secondaire, mettons.
Mais aujourd’hui, alors que je suis maintenant au cégep, ma vision est bien différente. Mon esprit s’est ouvert, j’ai été sensibilisée à de nombreux sujets, j’ai découvert l’actualité, le monde, les enjeux. Depuis que j’ai joint la communauté TPL, même si ça ne fait pas si longtemps, j’ai été submergée de nouvelles idées et de façons de penser nettement plus libres, ouvertes et sans tabous. Et honnêtement, ÇA FAIT TELLEMENT DU BIEN.
C’est donc avec cette nouvelle tête que je me suis lancée dans la lecture de l’ABC des filles 2017 écrit par Catherine Girard-Audet. Je voulais comprendre la fille de 13 ans qui adorait ce livre, mais également le critiquer avec ma tête de quasi-presque-adulte.
L’ABC, ça ne commence pas immédiatement avec la partie dictionnaire. En fait, ça prend un bon 130 pages avant qu’on se lance dans le vif du sujet; 130 pages sur divers thèmes. Et une bonne partie du problème de l’ABC est là, selon moi.
On a des idées de manucures, des conseils amoureux, des sondages, des tests, des extraits de livres, des découvertes, l’actualité… Jusque-là, tout va bien. Par contre, ça se gâte à certains endroits. Tout d’abord, il y a un ABUS de la présence de l’auteure dans l’ABC. Ce livre est censé être un guide, un repère pour les jeunes adolescentes. Ça devrait être à peine, sinon pas du tout subjectif, mais ça l'est totalement. Je crois que Léa Olivier, le personnage qui a fait connaître Catherine Girard-Audet, occupe une trentaine de pages. C’est BEAUCOUP trop. On ne veut pas lire les aventures de Léa, on veut lire l’ABC. Le tout est sans souligner le fait que l’auteure est elle-même incluse dans « les huit filles que vous voudriez comme meilleure amie ou comme grande sœur ». Hum, malaise. Ça sonne comme si le public avait voté pour ces huit candidates. Et placer l’auteure à côté d’Emma Watson, je trouve ça un petit peu exagéré.
Il y a également une autre section intitulée « Femmes engagées, femmes inspirantes », dédiée à faire connaître les femmes qui sont foncièrement engagées dans la société. Au début, j’étais bien heureuse de voir cette section, mais après lecture, j’ai été un peu déçue. Il manquait vraiment de diversité. Ce sont toutes des Québécoises majoritairement blanches. Parmi les milliers de femmes activistes dans le monde, je pense qu'on aurait facilement pu opter pour des modèles un peu plus diversifiés, des modèles auxquels un plus grand nombre d'adolescentes puissent s'identifier.
Lorsqu’on se lance dans la lecture de l’abécédaire en tant que tel, les choses s’améliorent, et cette partie est assez bien réussie; on retrouve énormément de prévention destinée aux jeunes, type alcool et drogues, et c’est logique que ça se retrouve dans le livre. Le message est clair, et aussi bien se servir de son pouvoir d’influence à de bonnes fins!
La section sur l’apparence a également piqué ma curiosité. Moi qui suis une militante farouche pour la diversité corporelle et l’abolition des standards de beauté, elle a relativement bien su y faire honneur. Elle insiste beaucoup sur la beauté naturelle qui réside en chacun de nous, ce qui est bien, mais c'est toutefois un peu redondant. L'information est restreinte, alors qu'il y a beaucoup à dire sur la diversité corporelle et sur l'enjeu que cela représente. Autrement, je pense que l'auteure a réussi à mettre l'accent sur le plus important.
On y retrouve aussi, à ma grande surprise, une section exhaustive sur les autochtones. Comprendre les premières nations afin de mieux cohabiter avec eux, genre dans le RESPECT, c’est primordial. Et je suis contente que l’ABC l’ait considéré comme un enjeu.
J’attendais avec impatience la section sur l’avortement, et honnêtement, elle n’est pas si mal. On sent que l’auteure marche vraiment sur des œufs et tente de ne pas donner son opinion, et ce même si elle l’entrevoit facilement lorsqu'elle passe un peu trop de temps à parler des douleurs physiques et psychologiques de l’avortement. Une petite tendance pro-vie se démarque légèrement. On n’y est pas encore tout à fait, mais cette section s’est améliorée quant aux éditions passées.
Au fil de ma lecture, j'ai remarqué que l'on accordait beaucoup d’importance aux garçons et aux relations gars-filles. Quand on parle de couples, d’amour, de peines d’amour, de caresses, de relations sexuelles, on considère automatiquement que la lectrice est hétérosexuelle. C’est selon moi un gros bémol. L’ABC est très en retard à ce niveau et ne souligne absolument pas les progrès de la société face à la conception des genres et de la sexualité.
Mais il y a surtout une chose (ou plutôt deux) qui m'a fâchée : les sections sur les complexes et la dépression. Je me suis écœurée à lire des phrases du genre « plutôt que de pleurer sur votre sort et de vous apitoyer, foncez! ». Hum. Comme si c’était aussi facile. C’est bien mal comprendre les problèmes psychologiques que les jeunes peuvent vivre. Moi, je sais qu'il n'y a rien qui me décourage plus que de me faire dire que j’me pogne le cul pis que, dans le fond, je ne fais rien pour essayer de m’aider. C'est un gros manque de sensibilité.
Je considère donc finalement, après une lecture assez complète, que l’ABC des filles 2017 est quand même très inégal. Il y a des parties excellentes, objectives, actuelles et pertinentes, et il y en a d’autres qui sont teintées de subjectivité, mal exprimées et mal actualisées.
L’ABC des filles, c’est une bonne idée. Mais personnellement, j’attendrais que l’édition 2018 ou 2019 sorte avant de l’offrir en cadeau à une jeune adolescente. Je crois que, dès que l’auteure saisira l’importance de parler des vrais sujets, sans tabous et de manière objective, ce guide sera un véritable petit bijou. C’est assuré.