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Anne… la maison aux pignons verts : une adaptation théâtrale qui déçoit (un peu) une fan finie
Crédit: Julia C. Vona - junophoto

Anne Shirley des pignons verts, c’est ma homie. Je rougirais sûrement si devais vous avouer le nombre de fois que j’ai lu et relu, pendant ma jeunesse puis mon adolescence, la série de livres dont elle est l'héroïne. Ma visite au site patrimonial qui a inspiré l’œuvre de Lucy Maud Montgomery compte parmi les moments forts de mon existence. J’avais déjà les yeux bouffis de larmes en emboîtant le pas aux touristes japonais (car oui, Anne connaît un succès fou au pays du soleil levant)!
 
L’histoire de cette petite orpheline « poil-de-carotte » a su me parler. Véritable outsider au sein de sa communauté de l’Île-du-Prince-Édouard du 19e siècle, Anne ne se conforme pas au modèle attendu des filles de son temps. À travers ses aventures, j’ai souvent trouvé une source de courage pour affronter certains moments charnières de mon développement. L’entrée au cégep, mon déménagement à Montréal et bien d’autres.
 
Tout ça pour dire que quand j’ai su qu’une version adaptée d’Anne… la maison aux pignons verts, le premier opus de la série, allait être présentée sur les planches du théâtre Denise-Pelletier et que j’avais la possibilité de couvrir l’événement, je me suis « garrochée » sur l’occasion. On est mégafan ou on ne l’est pas, han!
 
J’étais bien consciente du défi que représentait l’adaptation théâtrale de ce roman aux lieux et personnages nombreux. Heureusement, la mise en scène de Frédéric Bélanger contourne plutôt habilement la difficulté technique, du moins en ce qui concerne la multiplicité des lieux d’action et la temporalité, tout cela en exploitant un décor, des accessoires et un jeu de lumière somme toute très simples.
 
L’interprétation de Paméla Dumont dans le rôle-titre ne déçoit pas. Elle est bien là, notre « Anne-avec-un-e ». Verbomotrice, débordante d’imagination, gaffeuse, attachante, loyale, intense, orgueilleuse, brillante et compétitive. Ayant trouvé le chez-soi qu’elle espérait tant, elle s’épanouit à travers ses amitiés et son éducation… malgré ses cheveux roux! Elle ne laisse pas les préjugés la limiter et n’a pas peur de ses ambitions.
 
Malgré tout, la pièce a manqué de m’enthousiasmer. Bien qu’on nous donne à voir la plupart des péripéties les plus mémorables d’Anne, la profondeur de l’œuvre originale est entachée par le manque de capitalisation des épisodes dramatiques. L’atmosphère est bruyante et ludique, parfois même loufoque. En tant qu’admirateur et rival d’Anne, j'aurais aimé un Gilbert Blythe plus convaincant, plus séduisant dans son arrogance, avec un jeu plus en retenue.
 
Dans la version de Bélanger, le monde est à la jeunesse. Les adultes sont sans visage car dédoublés, réduits en caricature pour certains, jusqu'au dénaturement grotesque. Nous sommes privés de plusieurs personnages dans leurs nuances. Matthew et Marilla Cuthbert, par exemple, qui adoptent Anne en dépit du fait qu’ils attendaient initialement un garçon pour les aider au travail de ferme. Le développement de leur relation avec l'héroïne est complètement escamoté, ce qui restreint considérablement la portée émotionnelle du dénouement.
 
Bref, si elle peut s’avérer un moyen sympathique de faire découvrir aux plus jeunes un classique de la littérature canadienne, la production du Théâtre Advienne que pourra ne rend pas pleinement justice à l’œuvre bien-aimée et connue des initiés.
 
La pièce Anne… la maison aux pignons verts sera présentée à la salle Fred-Barry jusqu’au 22 décembre.

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