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L’important, c’est juste de manger, ok?
Crédit: David Di Veroli/Unsplash

Pour la première fois de ma courte vie, je travaille dans un milieu où la majorité des gens sont des adultes. Genre, des vrais. Du monde qui a fini leurs études depuis dix ans, qui parle de leur condo, pis qui vient à la job en char (l'ostie de construction!).

Ce genre de monde-là a aussi souvent DES LUNCHS VRAIMENT FANCY. Des toasts de saumon fumé, des pâtes fraîches, du poisson qui sent le vrai poisson, pis des affaires complètement débiles comme des salades avec une vinaigrette NON CRÉMEUSE.


Crédit : Giphy

Vous le savez, ma relation avec la nourriture n'est pas full réciproque. J'aime la nourriture, mais la nourriture ne m'aime pas. Le tiers de ce que j'ai le courage de cuisiner tourne en gibelotte. Quand j'essaie d'assembler une salade, elle pogne en feu. Pis mes repas sont presque toujours composés des 4P (pas en marketing, là) : pain, pâtes, patates, pis Passion Flakie.

Je ne peux pas m'empêcher de comparer mes repas à ceux des autres.

Parce que j'entends leurs assiettes chanter « J'ai monté une montagne le week-end dernier, j'ai respiré de l'air chié par un arbre, pis c'est Gwyneth Paltrow qui m'a offert cette courge ».

Pis les miennes rotent « J'ai cultivé le gras dans mes cheveux en fin de semaine, j'ai fait une sieste parce que j'étais réveillée depuis deux heures, pis mon seul contact avec l'extérieur, c'était quand j'ai dû sacrer mes poubelles sur le balcon ».


Crédit : Giphy
 

Bien manger est un mode de vie. On parle de bouffe partout, on en fait une extension de sa personnalité, de sa valeur en tant qu'humain. On méprise certains aliments, on en glorifie d'autres le temps d'un trend alimentaire. Des messages cachés, aussi. Tartinez du vert sur votre toast : votre peau sera plus belle, vous aurez plus d'énergie. Détoxifiez votre corps d'un bol généreux. Réduisez vos portions avec des aliments intelligents. Remplacez vos repas par un jus frais…

Je connais ça, remplacer des repas. Ado, je remplaçais mes lunchs par des barres tendres. Je calculais mes achats dans la machine distributrice à la job. Un gros biscuit au beurre d'arachide pour dîner. Ça remplit, le beurre d'arachide.

Une fois à la maison, affamée, j'engloutissais des aliments méchants pour faire taire mon ventre. Pis je me sentais comme de la marde parce que la bouffe avec laquelle je trompais ma famine me faisait dropper de catégorie dans mon échelle de vie « saine ». Je devenais aussi sale que la pizza pis le gros verre de lait que j'essayais en vain de vomir.

C'est vraiment nice que de plus en plus de gens éprouvent du plaisir à manger et à comprendre la nourriture. Les photos de bouffe sur les réseaux sociaux m'inspirent aussi, des fois, à prendre plus de risques dans la cuisine, pis à me faire des lunchs qui auront l'air préparés par ma mère. Avec des légumes pis toute.


Crédit : Alex Viens
 

Mais à c't'heure que j'essaie d'être fine avec mon corps, je ne peux plus accepter que ma valeur en tant qu'humain soit réduite à la bouffe brune qui remplit mes Tupperware. La nourriture que j'arrive à me faire, elle est correcte, elle est vraie, pis elle mérite qu'on la respecte parce que j'ai réussi à la cuisiner toute seule, avec mes mains. Chaque fois que je me fais à manger, c'est la plus belle assiette au monde, parce qu'elle m'est appétissante. Parce qu'elle est la promesse que je vais nourrir mon corps autant qu'il en aura besoin, c'est-à-dire à ma faim.

J'ai décidé que de manger, tout court, ce serait une victoire suffisante pour l'instant.  

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