Je l’aperçois déjà au loin, le camelot de l’itinéraire de la station. Bien que je supporte les causes que défend l’organisme communautaire et que j’ai déjà acheté la revue à quelques reprises dans le passé, je dois avouer que je ne l’achète pas tous les mois et que je m’arrête encore moins à chaque fois que quelqu’un me sollicite. Normalement, cette fois-là n’aurait pas dû faire exception à la règle, et je prévoyais continuer tout bonnement mon chemin.
MAIS…
C’est alors que tout sourire et avec une candeur et une énergie positive nettement plus élevées que la moyenne, le camelot apostrophe les passants avec à peu près ces quelques mots :
« Mesdames, les calendriers de pompiers sont DÉPASSÉS. Aujourd’hui, pour être à la mode, c’est le calendrier des camelots qu’il vous faut! En plus, c’est bien plus sexy! »
Une dame qui marche à mes côtés arbore un sourire en coin, je souris aussi. Quelque chose dans le dévouement du camelot vient me chercher. Pour cette fois, je décide de prendre le temps de m’arrêter.
Je fais la connaissance de Daniel, qui me présente avec fierté l’édition 2017 du calendrier de L’Itinéraire, un investissement de 10 $ qui aidera à financer les projets d’économie sociale que mène le groupe communautaire, venant ainsi en aide aux personnes vulnérables et ayant vécu des situations d’itinérance.
L’édition du calendrier de cette année adopte une approche artistique, avec des photographes professionnels ayant accepté de travailler bénévolement pour soutenir l’organisme et aider à montrer le « vrai visage » des camelots. Mon interlocuteur renchérit et tente de me vendre son produit en me disant qu’il est prêt à me faire une offre que je ne pourrai pas refuser : si j’achète le calendrier, il me laissera également partir avec l’édition du journal de L’Itinéraire de ce mois-ci, et ce, sans frais supplémentaires. Le sourire aux lèvres, je décide de l’encourager et je me dirige vers le guichet automatique.
Une fois mon nouveau calendrier et ma revue sous le bras, Daniel et moi nous discutons un peu. Il me raconte son histoire (et m’autorise à la partager). Quatre ans déjà qu’il est camelot pour L’Itinéraire. Quatre ans maintenant qu’il est sobre.
Crédit : Julien Benca
Aujourd’hui, alors qu’il a remonté la pente, il est reconnaissant du soutien qu’on lui a apporté et se dévoue à vendre L'Itinéraire dans le métro de Montréal, fier de ne plus consommer depuis maintenant plus de quatre ans.
À la fin de notre courte discussion, tous deux nous nous mettons d’accord pour dire que, parfois, la ligne est mince entre tout avoir et tout perdre, et que personne n’est complètement à l’abri de se retrouver à la rue.
Normalement, Daniel est attitré au métro McGill, mais comme parfois on l’envoie donner un coup de main dans d’autres stations, j’ai eu, cette journée-là, la chance de le croiser au métro Berri-UQAM. Plus qu’un simple calendrier, c’est une petite leçon de vie qu’il aura su me livrer, me prouvant toute l’importance des organismes communautaires dans le processus de réintégration d’individus qui, au fond, pour plein de raisons, ont pu prendre une mauvaise décision à un moment critique de leur vie (qui n'en a jamais pris?) ou ont simplement eu un peu moins de chance que vous et moi. Ces gens méritent qu'on les aide et qu'on leur permette de vivre un nouveau départ, ce à quoi contribue L'Itinéraire.
Avec le temps des Fêtes qui approche, pourquoi ne pas acheter un cadeau original et offrir un calendrier des camelots à quelqu'un pour l'accrocher à côté de celui des beaux pompiers?