Le lendemain des élections, il faisait gris à New York City. Le ciel laissait tomber quelques gouttes de pluie; un peu comme les larmes que plusieurs ont versées mercredi. La ville semblait au ralenti, car je n'entendais pas les nombreux klaxons habituels. New York se réveillait d'un cauchemar devenu réalité.
Mercredi, je monte à bord de mon wagon de métro, regardant les mines basses des autres voyageurs. J'ai envie de leur demander : « Mais qu'est-ce qui a bien pu se passer? ». J’aimerais que ces quidams me donnent les réponses aux questions qu'eux-mêmes se posent.
Contrairement à mon habitude, je n'écoute pas de musique en me rendant au travail. J'ai envie d'écouter le désarroi de mes compatriotes new-yorkais. Un lourd silence qui ne couvre pas souvent cette ville. Nombreux sont ceux qui craignent d'être expulsés du pays : mon amie tibétaine m’appelle en pleurant pour m'annoncer que son copain s'était vu refuser la fameuse green card. Juste avant Trump. Ils leur faut réévaluer leur avenir, faire de nouveaux plans de carrière et de vie, « parce qu’avec Trump, qui sait? », m’a-t-elle avoué. La peur est palpable dans sa voix.
Au boulot, j’entends tous les types de réactions possibles autour de la machine à café : des dévastés aux cyniques, en passant par les optimistes. Ce sont eux, les plus nombreux. La résilience américaine a de quoi étonner et la phrase qu’on me répète est : « Il faut se battre encore plus fort. On ne le laissera pas faire comme il veut. » Je voudrais être aussi confiante qu'eux, mais la morosité ambiante sape mes efforts.
Je suis de celles qui avaient foi en Hillary et qui ne pouvaient pas s'imaginer que Trump gagnerait. J'étais probablement naïve de croire que j'allais vivre de l'intérieur ce beau moment historique que de voir une femme être élue présidente des États-Unis. Mon cœur de femme saigne de toutes ces batailles perdues.
Cependant, au travers de cette grisaille, j'entrevois un filet de lumière. Quand j'entends les voix s'unir et s'élever autour de moi; quand je vois des enfants s'ouvrir aux différences. Je veux croire qu'il reste « du bon monde », que les humains peuvent changer et devenir meilleurs. Il reste encore beaucoup à faire et probablement plus que je ne voudrais le croire. Mais mes collègues américains m'ont convaincue : il faut se relever encore et encore.
Une fois le choc passé, je reprends mon bouclier et je retourne faire la guerre à l'ignorance.