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J’ai peur de marcher seule
Crédit: Milosz_G/Shutterstock

Depuis quelques mois, je fais le choix conscient de moins prendre ma voiture. Ayant grandi en banlieue, j'ai rapidement été habituée à l'automobile et peu sensibilisée à la réalité des transports en commun. Mais maintenant, je marche et j'utilise les transports en commun le plus possible, pour différentes raisons. Sauf qu'en étant en dehors de ma bulle de métal, je me retrouve exposée à l'environnement. Et là, je ne parle pas de la température.

Quand je marche avec quelqu'un d'autre, y'a jamais de problème. C'est quand je me déplace seule que la magie opère.

En seulement quelques mois, j'ai eu droit aux chars remplis de gars qui me suivent en tapant dans leurs vitres pendant que je marche. J'ai pu me faire crier des « SEXY! » et autres commentaires VRAIMENT moins PG rated. J'ai entendu des « Dommage, le coup de vent n'a pas fait lever ta robe assez haut à mon goût ».

J'ai essayé de prendre ça pour des compliments parce que je suis sûre que ça vient d'un bon sentiment au fond, mais mon homme, le ton sur lequel tu me cries des insanités brise un peu la magie du moment et la délicatesse de tes flatteries!

J'ai eu droit aux regards insistants, et je vous laisse deviner que ce n'est pas mon visage qu'on fixe, habituellement. Comme bien des gens, j'ai vécu l'expérience des hommes qui se collent beaucoup trop sur moi dans les transports. Et jackpot, j'ai même eu droit aux vieillards qui se taponnent la bizoune au guichet automatique en me regardant pendant que j'essaie de faire mon dépôt. On m'a évidemment demandé si j'étais bien certaine de ce que j'avais vu. N'ayez crainte, rendue à 23 ans, je sais ça ressemble à quoi, un homme qui se taponne la bizoune!

Je trouvais peut-être ça funny la première fois que ça m'est arrivé, quand j'avais 11-12 ans. Je me disais que c'était sûrement comme ça qu'un gars exprimait son intérêt. À la limite, je trouvais ça flatteur comme je n'avais jamais vraiment reçu d'attention masculine auparavant. Sauf que là, la première fois est loin en tabarnak. Je ne trouve pu ça drôle et je sais que ce n'est pas une manière de montrer de l'intérêt pour quelqu'un.

Je peux comprendre que c'est difficile pour certains gars de concevoir que nous aussi, l'été, nous aimons mettre des shorts et des t-shirts pour être confortable et ne pas avoir chaud. J'avoue, une fois, j'ai mis des shorts en septembre. On m'a bien fait comprendre que j'avais ambitionné. J'ai appris avec le temps que moins j'avais d'épaisseurs de vêtements, plus le niveau de classe et de savoir-vivre des gars diminuait.

Un jour, après avoir vécu un combo d'événements du genre, j'ai atteint mon trop-plein. J'en parle maintenant pour que si jamais vous êtes témoin d'une situation comme ça, que vous n'hésitiez pas à dénoncer. Klaxonnez et faites des gros yeux à l'automobiliste macho à côté de vous qui hurle à la fille sur le trottoir. Parlez, criez, fâchez-vous s'il le faut, mais on doit dénoncer les gens qui font encore ça en se trouvant drôle.

Parce que ce n'est pas drôle. Ce n'est FUCKING pas drôle. C'est humiliant, c'est gênant, c'est enrageant, c'est stressant, c'est culpabilisant, ça fait peur. C'est du harcèlement, du sexisme, c'est de la violence. Je vais même sortir les gros mots : c'est ça, la culture du viol. Aussi simple que ça. Ça fait que tous les jours, j'ai un peu peur de sortir de chez moi seule. Et cette insécurité-là, nous sommes plusieurs à la vivre.

​Mon adorable papa m'a expliqué qu'il lui arrivait de changer de trottoir lorsqu'il marchait derrière une femme, pour ne pas qu'elle ait l'impression de se faire suivre. Bien que l'attention soit parfaite, je trouve la situation tordue. Des hommes comme mon père doivent faire des choix conscients du genre pour réparer les erreurs des autres, pour soigner une société qu'on a rendue malade à grands coups de catcalls.

Et si ça m'arrive de juste sourire et faire comme si rien n'était arrivé, c'est simplement pour garder un semblant de dignité quand je n'ai pas le réflexe assez rapide de faire un finger. Mais je vous avouerais que, présentement, je commence à avoir le bras assez musclé, merci.

*Évidemment, je ne veux pas faire de généralités en parlant des « hommes » et des « gars ». Je parle d'agresseurs et non pas du genre.

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