Je culpabilisais, je me disais que c’était de ma faute si mon père nous avait abandonnés. Après tout, si je n’avais pas eu le diabète, cette maladie si compliquée qui l’avait poussé à ne plus « pouvoir » venir nous chercher mon frère et moi, rien de tout ça ne serait arrivé. Je faisais des recherches sur le suicide sur Internet, je m’imaginais des scénarios.
Mon moral à zéro, les dernières semaines de l’année scolaire ont fini par passer, puis nous avons déménagé. Je perdais tous mes amis et j’arrivais dans une ville que je ne connaissais pas. La seule bonne nouvelle, c’est que j’avais maintenant ma chambre à moi tout seul pour pleurer et pour jouer de la guitare quand j’en trouvais la force.
Un soir, peu de temps après le déménagement, mon trou noir, ce vide si fort qui m’embrouille alors l’esprit et me transperce la poitrine, me fait particulièrement souffrir. Pendant que la maisonnée est endormie, je fouille dans la pharmacie familiale. Je cherche des pilules, je sais comment ça marche, j’ai vu ça dans les films. Il faut juste en avaler le plus possible, après on dort, puis on ne se réveille plus. On ne sent plus rien. On n'a plus mal. Je regarde les étiquettes, j’hésite. Puis, finalement, je retourne nerveux et confus dans ma chambre écouter mon discman pour réfléchir à tout ça.
C’est Gone Away de The Offspring qui joue. L’émotion que dégage cette chanson est incroyable, je pleure un peu, beaucoup, énormément. J’écoute les paroles, puis je me dis que, finalement, je ne peux pas mourir, ça ferait trop de peine à ma mère. Je n’ai plus de père, je ne peux pas faire de peine à ma mère. Je me lève, je retourne ranger le pot de pilules dans l’armoire et je reviens me coucher les yeux gonflés par les sanglots, plus confus et désorienté que jamais.
Cette semaine-là, j’ai décidé d’apprendre les accords de Gone Away à la guitare. Il n’y a pas de meilleur moyen pour évacuer nos émotions que la musique (du moins, pour moi), c’est ce jour-là que j’ai compris ça. Dans les semaines qui ont suivi, je me suis mis à jouer de la guitare presque tous les jours. J’avais encore des pensées suicidaires, j’avais encore mal, mais apprendre les riffs de rock de mes groupes préférés, faire résonner les éternels Smoke On the Water ou Bro Hymn Tribute, ça mettait un baume sur mes blessures, ça me permettait de vivre ma douleur pleinement, de la canaliser vers quelque chose de constructif et de l’évacuer lentement, une note à la fois. Ça m’a permis de survivre.
L’été a passé, j’ai fini par me faire de nouveaux amis, mon nouveau milieu scolaire était un paradis comparé à mon ancienne école, et je me suis inscrit en option musique. Tout au long de mon processus de guérison, ma guitare m’a accompagné. Au final, c’est elle qui m’a permis d’affronter vent et marées, c’est elle qui m’a sauvé.
Si, aujourd’hui, je sors ma guitare de son étui dans des contextes généralement beaucoup plus festifs, je sais que si je n’ai pas le moral, je n’ai qu’à m’enfermer seul avec elle pour une heure ou deux pour me vider l’esprit et me sentir mieux.
Et vous, avez-vous une passion qui vous garde en vie?