À 20 ans, je sortais deux, trois ou quatre fois par semaine. Je travaillais pour payer mes sorties! Ma crowd se constituait de gens qui, comme moi, côtoyaient les mêmes clubs et bars de ma région. Mon narcissisme vivait son heure de gloire et mon apparence prenait le dessus sur tout le reste.
C’était en fait la toute première fois de ma vie où je me trouvais belle. C’est faux. Je me trouvais belle à travers les regards que les gars portaient sur moi. Ma game de fille au-dessus de ses affaires était à point, mais ma vulnérabilité se laissait transparaître à travers mon décolleté.
Quand j’étais plus jeune, j’étais « l’amie » des gars, mais j’aurais tant aimé qu’ils me regardent comme ils regardaient mes amies. Mais non, je n’étais pas à ce niveau. Le danger là-dedans, c'est que dès la première fois qu’une parole masculine m’a valorisée, je me suis tout de suite lancée dans ses bras en lui donnant instantanément tout le pouvoir.
Dans les clubs, je voulais être vue, remarquée, celle qu’on trouvait belle. Cependant, mes fesses étaient devenues les leurs, ma bouche leur appartenait, mon corps criait non, mais mes lèvres étaient scellées. Je voulais être remarquée, mais pas agressée. Aujourd’hui, je réalise, avec tout ce qui se passe, que tous ces gestes d’agression que j'ai tus ont contribué à la culture du viol maintenant banalisée dans notre société.
J’en veux à la jeune adulte en moi qui n’a pas su repousser les mains qui la tripotaient incessamment. J’ai mal à ma jeunesse et mon féminisme. J’ai contribué, malgré moi, à faire croire aux hommes que leurs mains, leurs paroles et leur sexe avaient des droits sur les femmes.
Je trouve cela triste que ça aura pris plusieurs trop d’années avant d’admettre que j’ai, moi aussi, été contributaire à la culture du viol, mais il n’est jamais trop tard pour faire avancer la cause. C’est pourquoi, accompagnée de mes filles, j'ai manifesté il y a quelques mois et je manifesterai encore pour faire changer les choses.