Voilà quelques semaines déjà que je travaille en France dans un organisme bigouvernemental qui reçoit régulièrement des stagiaires québécois.e.s. Évidemment, mes collègues et moi, nous aimons comparer nos expressions et notre vocabulaire : ils répètent après moi « ben lââââ, c’est plate! » et je leur réponds : « Mais elle est ouf, cette nana! ». C’est taquin, nous nous trouvons ben drôles.
Récemment, toujours dans l’optique d’en apprendre plus sur les différences culturelles entre la France et le Québec, des collègues m’ont expliqué le syndrome de la pêche et de la noix de coco. Qu-quoi? De quessé? Selon leur expérience et leurs études approfondies (not), les Québécois.e.s sont des pêches : ils et elles sont tendres à l’extérieur et, arrivés au centre, on leur découvre un noyau bien dur. Les Français.e.s, quant à eux ou elles, sont des noix de coco : fermes et rêches, il semble difficile de les approcher, mais on les découvre tendres et moelleux.ses à l’intérieur.
Outre le côté ludique et fruité de la métaphore, je trouvais la comparaison un peu simpliste : ben oui, les Québécois.e.s ne sont pas ces êtres purement sympathiques et chaleureux qu’on semble décrire partout. Parfois, je suis dure et revêche, grincheuse et pas tendre du tout. Mais j’ai compris, à mes dépens, que la métaphore allait plus loin que ça.
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Cette métaphore parle de l’engagement, et j’ai une peur bleue de ce concept. Et on ne parle pas seulement de l’engagement amoureux! Je suis une pêche tendre et rosée à l’extérieur, sèche et méfiante à l’intérieur.
J’aime rencontrer des gens, je m’intéresse aux autres, j’essaie de découvrir de nouvelles visions de la vie, de nouveaux points de vue sur une multitude de sujets, de nouvelles cultures. Je vais vers l’inconnu dans un bar sans problème : « Salut, je m’appelle Rosemarie et je suis québécoise. Et toi? ». Ça donne parfois des situations cocasses, des anecdotes à raconter et, oui, je pourrais bien frencher un peu avec le p’tit Français qui me parle de Baudelaire entre deux verres de vin blanc pas cher. Pourquoi pas?
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Par contre, je ne veux pas me mouiller, je ne veux pas m’engager dans les relations que j’ai tant de facilité à créer. Un pote rencontré dans le nord de la France vient passer une fin de semaine à Paris (où j'habite)? Oui, nous pouvons aller prendre un verre, partager une belle soirée, mais ne me demandez pas de m’investir pleinement dans une relation que je sens au fond de moi éphémère. Parce qu’inconsciemment, je sais bien que j’en ai, des amis et de la famille, back in my home town montréalaise. J’ai des relations riches et complexes qui ont fait leurs preuves dans le temps. Si une nouvelle personne veut vraiment percer mon « noyau de pêche », elle doit se lever tôt en maudit.
Est-ce là un trait de personnalité qui me soit propre? Peut-être. Il y a une autre collègue québécoise avec moi en France, jeune et amicale comme moi, qui ne se sent pas du tout concernée par le syndrome de la pêche et de la noix de coco. Elle aime se faire des amis partout dans le monde et entretenir ces relations au travers des années par de multiples voyages.
La peur de l’engagement est peut-être un trait culturel. Peut-être pas non plus. Je sais seulement que, comme la pêche, j’ai de la difficulté à m’offrir entière à de nouvelles personnes. C’est pour me protéger, entre autres : j’ai peur du rejet comme n’importe quel humain, toute nationalité confondue. Je ne veux pas qu’on se détourne de moi pour avoir montré trop rapidement mon estie de caractère de marde. Ensuite, c’est un peu par fainéantise : je ne veux pas perdre mon temps à construire une relation qui, au fil du temps, pourrait m’ennuyer ou me déplaire. J'ai d'autres chats à fouetter, me semble-t-il. Et même si je rencontre un ou une nouvel.lle ami.e, voire un potentiel p’tit chum français, est-ce que ça me tenterait d’entretenir une relation où les deux partis sont séparés par l’océan Atlantique?
Et vous, êtes-vous une pêche ou une noix de coco?