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Voyager pour apprendre à mieux s’écouter
Crédit: jcremer/Unsplash

C'est après avoir passé un an à ramasser mes sous et à me préparer mentalement que j'ai réalisé ce que je pensais jusque-là être un des mes rêves : partir seule avec mon pack sac sur un autre continent. Je voulais être confrontée à moi-même et, surtout, me surpasser. J'avais envie, moi aussi, de dire « Hey! Je suis brave, je suis partie seule et ça a changé ma vie. »

Plusieurs crises de larmes et deux nuits blanches plus tard, j'étais rendue à Paris. Au moment où j'aurais pensé me sentir plus libérée et heureuse que jamais, j'étais terriblement anxieuse. Je n'avais pas de plaisir à marcher dans la ville, à visiter les musées, à m'asseoir sur un banc de parc, à dessiner ou à écrire. Tout ce qu'il y avait dans mon petit corps, c'était de l'anxiété, mais je voulais tellement être capable, je voulais tellement être forte. J'ai choisi de quitter Paris et de me diriger vers un pays qui m'avait toujours intriguée : la Pologne.

Dans mon avion direction Cracovie, je me sentais bien. J'avais finalement fui les parisien qui, lorsqu'ils entendaient que je voyageais seule, insistaient systématiquement pour avoir une aventure avec moi. Je trouvais la ville belle, la nourriture bonne et le coût de la vie plutôt abordable. Je m'étais même fait une amie de quelques jours dans mon auberge de jeunesse et j'étais extrêmement heureuse d'avoir pu visiter les camps de concentration. Mais j'étais épuisée, fatiguée d'être constamment anxieuse et de n'avoir le goût de rien. Le plus difficile, c'était de me rendre compte que je n'étais pas prête à être confrontée à moi-même, que je n'étais pas encore assez forte.

Deux semaines après mon départ, j'ai passé une nuit entière à pleurer dans une petite chambre miteuse, dans une maison autogérée de Copenhague. Je n'appréciais pas mon voyage, j'étais constamment dans l'attente de la prochaine chose sans jamais prendre le temps de vivre le moment présent. J'avais peur de sortir, de profiter des endroits que je visitais parce que j'avais peur d'être une femme seule et parce que je vivais trop d'anxiété. Je ne me reconnaissais plus. Cette nuit-là, à Copenhague, j'ai utilisé les quelques gigs d'Internet que j'avais pour m'acheter un billet de retour et annoncer à ma mère ainsi qu'à mon copain que je revenais. Leur réponse, à tous les deux, a été comme un baume sur ma plaie (de honte). Ils ont simplement dit : « C'est correct, Salomé. »

Le lendemain, j'ai pris l'avion et ma mère est venue me chercher à l'aéroport. J'ai mis du temps à annoncer à mon entourage que j'étais revenue. J'avais honte. Honte de ne pas avoir été à la hauteur, honte de ne pas avoir été assez courageuse, honte d'être revenue, honte de mon anxiété. J'ai mis du temps à accepter que « c'est correct ». C'est correct de ne pas avoir été capable, c'est correct de ne pas être prête et, surtout, c'est correct de m'être écoutée. Ça ne veut pas dire que je suis moins forte, juste que j'ai su reconnaître ce qui était trop pour moi. J'ai respecté mes limites et, aujourd'hui, je suis capable de dire que j'en suis fière.

Est-ce que je regrette pour autant mon voyage? Pas du tout. Je suis contente de l'avoir fait, ne serait-ce que pour connaître mes limites, que pour me rendre compte que le voyage solo, ce n'est pas pour moi et mon anxiété. J'ai vu des choses incroyables, je sais aujourd'hui que l'Europe est un continent qui m'intéresse et que j'y retournerai. Mais pas toute seule.

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