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Tout ce qu’il faut savoir sur le projet de règlement sur les chiens dangereux
Crédit: Chantal Levesque

Cet été, à la suite d’une frénésie médiatique causée par la mort d’une citoyenne ayant été attaquée par un chien, le maire de Montréal a annoncé qu’il prévoyait adopter un règlement sur les chiens dangereux, dans le cadre duquel les chiens de type pitbulls seraient interdits à Montréal.

En tant que militante pour les droits des animaux, je me posais beaucoup de questions sur les dispositions de ce projet de règlement et sur le sort réservé aux chiens qui seraient qualifiés comme « dangereux ». Hélas, comme les pitbulls sont un sujet qui anime les passions, il est difficile de trouver des renseignements de source sûre à ce sujet.

Afin d’en avoir le cœur net, je me suis entretenue avec Marie-Noël Gingras, du département de défense des animaux de la SPCA de Montréal, pour en savoir plus sur ce projet de règlement et ses conséquences pour les propriétaires de chiens à Montréal.  

Comment ce nouveau règlement définirait-il un chien dangereux? Parle-t-on ici d’une race, d’un poids ou de caractéristiques physiques?
La nouvelle réglementation, telle qu’elle est proposée en ce moment par la ville de Montréal, interdirait : les chiens pitbulls terriers américains (« American pitbull terrier »), terriers américains du Staffordshire (« American Staffordshire terrier ») et bull-terrier du Staffordshire (« Staffordshire Bull Terrier »), ainsi que tout chien issu d’un croisement entre l’une de ces races et tout chien présentant plusieurs caractéristiques morphologiques de races et croisements des races précédemment nommées. Cela est très problématique car, présentement, aucune étude scientifique ne conclut que les chiens de type pitbull sont plus agressifs, dangereux ou mordent plus qu’un autre type de chien. De plus, plusieurs chiens de gardiens responsables seront visés par cette réglementation, simplement du fait que ces chiens ont des « traits » qui ressemblent à un chien de type pitbull. Il faut rappeler qu’il est impossible d’identifier visuellement la race d’un chien, même pour des experts. Par exemple, un labrador mélangé avec un boxer va avoir des traits ressemblants à ceux des chiens de type pitbull et tombera sous cette législation.

Crédit : Chantal Levesque/Facebook
Quelles seraient les pénalités imposées aux propriétaires de chiens classés comme dangereux?
Premièrement, les gardiens de chiens visés par la réglementation devront fournir des documents comme quoi ils n’ont pas de dossier criminel, et qu’ils avaient le chien avant l’implantation du règlement pour avoir un permis spécial qui coûtera 150 $ par année (le permis pour les autres chiens est de 25 $). Les propriétaires de pitbulls devront faire stériliser et micropucer leur chien et avoir un permis spécial avant le 31 décembre 2016. Les chiens devront être muselés en tout temps à l’extérieur, y compris dans la cour. La cour devra avoir une clôture d’une hauteur minimale de deux mètres. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le projet de règlement ici.
Crédit : Chantal Levesque/Facebook
Que va-t-il arriver aux chiens dans les refuges et aux chiens qui étaient transférés de l’Ontario, là où les pitbulls sont interdits depuis dix ans? Seront-ils transférés dans d’autres provinces ou euthanasiés?
Le nouveau règlement proposé par la ville de Montréal ne tient pas compte des chiens qui seront trouvés errants ou qui seront abandonnés dans les refuges. Si la législation était adoptée le 26 septembre prochain, il serait, dès lors, interdit pour les refuges de mettre à l’adoption les chiens de type pitbull – et tous ceux qui ont des « caractéristiques morphologiques » leur ressemblant. Ainsi, les refuges se retrouveront forcés de mettre à mort ces chiens aussitôt qu’ils y entrent. Bien sûr, nous pouvons imaginer relocaliser certains individus dans d’autres provinces, mais il est irréaliste de penser que les refuges auront les moyens et les ressources nécessaires pour relocaliser des centaines et des centaines de chiens qui seront visés par cette législation. Chose certaine, aucun employé de la SPCA ne veut tuer un chien en santé et ayant un bon comportement – cela va contre notre mission.
Crédit : Chantal Levesque/Facebook
J’ai lu de nombreux articles cet été dans les médias québécois qui disaient que les pitbulls étaient statistiquement plus dangereux que les autres races de chiens. Qu’en est-il vraiment?
Présentement, aucune étude scientifique n’est capable de démontrer que ces chiens sont plus agressifs ou mordent plus que d’autres. Il y a plusieurs facteurs à considérer dans les attaques et morsures de chiens : l’environnement dans lequel évolue le chien, sa taille, sa socialisation, etc. Il existe aussi des chiens avec des comportements anormaux – des chiens malades.

En quoi le règlement proposé par le maire Coderre serait-il inefficace? Quelle est la solution que vous proposez pour garantir la sûreté des citoyens?
Ce règlement est très discriminatoire, car il isole certains chiens simplement en raison de leur apparence physique. Il ne traite aucunement la problématique de fond des morsures de chiens. Ce règlement punira aussi de nombreux gardiens responsables en imposant des coûts énormes et des restrictions pour leurs chiens, même si ces derniers ont un comportement exemplaire. De plus, ce règlement mènera des centaines et des centaines de chiens à la mort, puisque les chiens abandonnés ne pourront être remis en adoption dans les refuges. Au lieu d’une législation sur les races spécifiques, la SPCA propose une solution basée sur des mesures de prévention, des procédures claires et équitables et des sanctions strictes. Pour en savoir plus sur notre modèle de règlement proposé, cliquez ici et consultez le site Web de notre campagne #EnTouteSécurité.

Que puis-je faire en tant que citoyen pour faire valoir mes droits et m’opposer à ce projet de règlement? Y a-t-il quelque chose à faire à l'échelle provinciale?
Présentement, les citoyens sont invités à aller à leur conseil de ville et d’arrondissement pour poser des questions et partager leurs inquiétudes et leur mécontentement. Il ne faut pas oublier que ce sont les arrondissements qui absorberont les coûts et les conséquences pour l’implantation de cette réglementation – et paieront pour les saisies et les euthanasies des chiens des gardiens qui ne respecteraient pas le règlement, par exemple. Ce sont aussi les taxes des citoyens qui aideront la ville lors des contestations légales que plusieurs citoyens risquent d’entreprendre à la suite de l’adoption de ce règlement. À l'échelle provinciale, vous pouvez écrire aux élus, demander à les rencontrer, fournir des études scientifiques, etc.

Crédit : Chantal Levesque/Facebook
 
Si ce projet de règlement vous inquiète, je vous invite à prendre les mesures mentionnées ci-dessus par Marie-Noël, à signer la pétition de la SPCA en ligne et à vous rendre à la manifestation qui aura lieu le 4 septembre devant l’hôtel de ville de Montréal (les chiens en laisse sont les bienvenus). Unissons nos forces pour protester contre ce règlement discriminatoire qui brime les droits des propriétaires responsables et qui pourrait mener à la mort de centaines, voire de milliers de chiens innocents.

Merci à Chantal Levesque de m'avoir permis d'utiliser ses photos de la marche contre la législation spécifique des races (LSR) du 16 juillet dernier.

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