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Moi, ma chambre et mon isolement : un collectif de témoignages
Crédit: Unsplash/Pixabay

Dernièrement, j'ai pas le soleil qui me rayonne du cul et je passe beaucoup plus de temps seule chez moi. Depuis toute jeune, je combats des blues occasionnels, des émotions anonymes et, depuis toute jeune aussi, il m'arrive de vivre des épisodes pendant lesquels je suis clouée à mon lit, incapable de me motiver à faire les choses les plus simples. Incapable de me lever, de m'habiller, de faire la moindre petite tâche chez moi.

J'ai toujours eu honte de me retrouver dans ces états-là. Je n'en parlais jamais parce que j'avais toujours l'impression que le monde entier était sur le speed socialement, que j'étais pathétiquement seule à me tailler des bourrelets dans ma chambre, à fixer le vide, tout en étant absolument consciente de mon état au point d'en paniquer, sans toutefois être capable de bouger.

Puis, un jour, ça m'est arrivé à nouveau, et j'ai décidé d'en parler à mes collègues rédactrices. « Vivez-vous des épisodes comme ça, vous aussi? » En quelques minutes à peine, ceci :

Josiane
Ça m'arrive souvent de rester à la maison et de même pas sortir pour aller au dep pendant 48 heures. J'aime bien me déconnecter de la ville de cette façon et rester dans ma bulle. Ça me recharge, comme ma job est vraiment sociale.

Lysanne
Je ne sais pas si c’est en lien avec mon cycle menstruel, mais il m’arrive au moins une fois par mois de me sentir comme une marde. Je perds soudainement tous mes skills en relations humaines et je n’ai qu’une seule envie : ne rien faire SEULE. Je ferme mon cell, je m’écrase sur mon divan avec du popcorn et je mets mon cerveau sur pause devant un film. Dans ces moments-là, j’aime regarder des films tristes, question de faire sortir le méchant inexplicable que j’ai en dedans.

Maude
Parfois, je ressens un vide très paralysant qui me rend déconnectée de mon corps et de ma tête, mais des sentiments d'angoisse, de solitude et de tristesse restent présents. J'ai l'impression de n'avoir aucune envie, volonté ou motivation quelconques, un peu comme si je devais seulement attendre, sans connaître la raison de cette attente, qui semble durer mille ans. Je ne réussis pas à effectuer quoi que ce soit, à part restée étendue les yeux ouverts, un peu perdue dans mon état que je ne comprends pas. Je me sens prise au piège par cette absence de tout, par ce vide constant qui ne part généralement qu'après quelques heures à me sentir bien amochée et complètement épuisée. C'est un feeling horrible, entre autres parce que la culpabilité ressentie de n'avoir rien accompli et l'impuissance sont très difficiles à surmonter. J'essaie quotidiennement d'apprendre à tolérer et à accepter ce moment qui se pointe le bout du nez de temps en temps, parce que je sais que ce n'est pas ce sentiment qui me définit réellement.

MariePier
Ça m'arrive quand même souvent d'avoir besoin de prendre une journée pour moi. Par contre, si ça dure plus qu'une journée ou que je le fais souvent dans une journée, je trouve ça vraiment tough sur le moral. On dirait que je me trouve lâche de ne rien faire et je me sens comme une loque. Le pire, c'est vraiment quand j'habite seule, car on dirait que j'ai aucune motivation qui me pousse à sortir et ça gâche un peu mon alimentation, aussi… Oups. 

Par contre, j'essaie de me rappeler quelqu'un qui avait dit que ne rien faire était un luxe que peu de personnes se permettent de faire. On vit dans un monde qui roule à cent milles à l'heure et où chaque minute doit être rentabilisée. C'est l'une des raisons pour lesquelles je pense qu'on se sent souvent coupable de prendre des journées off de la vie, alors que ça devrait pas être le cas.

 
Daphné

Il m'est arrivé d'être paralysée à ne vouloir rien faire, tout en ressentant un vide immense alors que le soleil brillait enfin dehors. Je me sentais extrêmement coupable quand ça arrivait parce que ça pouvait durer plusieurs jours, voire plusieurs semaines. La dernière fois, c'était il y a deux ans quand je n'avais pas d'emploi. Cet été-là, j’ai beaucoup souffert. Depuis, ça va mieux parce que j'ai été consulter un psychologue à l'été 2015 et que ma séparation m'a beaucoup aidée à me sentir plus « moi ». Aujourd’hui, j’arrive à faire les choses que j'ai à faire parce que j'en ai envie. Je me permets aussi de ne pas les faire parce que je ne veux pas ou que je ne m’en sens pas la force. Je suis contente d’avoir trouvé un équilibre presque exempt de culpabilité. Le sentiment de vide ressenti m’inquiétait beaucoup, mais je pense que j’ai réussi à l’apprivoiser en l’acceptant. C’est correct de fixer le plafond. C’est correct de se sentir vide. Ça finit toujours par passer

Nathalie
J'ai souvent des journées dans ma semaine où je me sens tellement abattue que je ne peux rien faire. Cet abattement provient généralement du stress que je ressens par rapport à mes responsabilités, même les plus petites, qui semblent pourtant si simples, comme faire l'épicerie. Je passe alors ma journée à me « préparer » à accomplir la tâche qui m'angoisse, à me dire « ok, je vais écouter une vidéo, je vais manger ceci puis, après, j'y vais ». Finalement, je passe la journée à ne rien faire du tout. Ma culpabilité augmente avec mon stress aussi, et ça peut rapidement devenir un cercle vicieux. On ne va même pas parler de ma motivation à accomplir les choses que j'aime, qui me passionnent, si juste des mini tâches comme plier mon ligne me découragent… Ensuite, ça devient difficile de voir des gens, j'ai juste envie de rester seule, car j'ai l'impression de ne rien avoir à partager avec les autres. Pourtant, il y a quelques années encore, je n'étais pas comme ça. J'aimerais retrouver ma vitalité et ma légèreté d'avant. Pour ça, j'essaie d'apprendre à accepter mes moments down, car je sais que plus je me respecte, mieux ça passera et mieux je réussirai à me relever.

 

Véronique
Des fois, je n'ai pas la force de sortir prendre une bière avec mon chum. D'autres fois, je n'ai pas envie de sortir faire l'épicerie non plus. Y'a des matins où je resterais dans mon lit ou sur mon divan à ne rien faire. Je n'ai pas le goût de voir qui que ce soit, je veux juste me mettre à off. Un jour, j'ai décidé d'arrêter de me sentir coupable quand je me sens amorphe comme ça parce qu'au final, ça ne change rien à ma vague à l'âme. C'est pas grave, han, il y aura d'autres journées dans ma vie pour changer le monde. Je vois pas pourquoi je me sentirais coupable « de rien faire » (ce n'est pas « rien faire » que de se reposer le corps et l'esprit, genre rien crisser pis végéter). Je trouve que ça revient à se sentir coupable et de se forcer à finir son assiette sous prétexte que y'a des enfants qui ont faim dans le monde. C'est juste niaiseux. J'ai le droit d'être boubou. Je dois rien à personne, sauf à moi, et j'ai décidé d'accepter que y'a des journées où je vais moins bien. Prétendre le contraire, c'est mentir un peu : ça nous arrive tous. Personne n'est Superman.

Vous arrive-t-il aussi de passer des journées à être incapable de faire quoi que ce soit? 

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