Le harcèlement psychologique au travail. Ce sont des mots que l’on connaît bien et, pourtant, ils se dissimulent souvent derrière ceux que l’on se répète : « C’est moi le problème », « je ne suis pas faite pour ce rôle », « j’ai probablement initié la situation », « je suis incompétente »…
C’est comme si l’on avait peur d’employer le terme, de s'y identifier. Sauf que les conséquences du harcèlement psychologique, elles, sont bien réelles. En tant que victime, il est parfois difficile de faire la part des choses.
Un jour la star, le lendemain la victime
Il y a quelque temps, j’ai occupé l’un de mes premiers postes importants en carrière. J’avais fait mes preuves et acquis de nouvelles responsabilités, j’étais respectée et mon travail était apprécié. Puis, un jour, tout a changé.
Ma patronne m’a prise dans ses mauvaises grâces. Je me faisais incessamment critiquer pour des erreurs qui n’étaient pas miennes, je n’étais soudainement plus invitée aux réunions, on critiquait mon habillement, on m’enlevait des responsabilités, je n’étais plus en charge que de tâches abrutissantes et répétitives qui comportaient des risques élevés d’erreurs. On m’a même accusée de vouloir saboter le travail de mes coéquipiers! Le pire, c’est qu’on essayait (et réussissait) de me convaincre que c’était ma faute.
Le gouffre du harcèlement
J’ai d’abord tenté de régler « le problème ». J’ai commencé une thérapie, suivi des ateliers de gestion du stress, lu des livres pour éliminer mes soi-disant défauts… J’essayais de me mouler aux demandes de ma patronne, de travailler plus fort, plus vite, plus précisément, mais ce n’était jamais assez. J’étais toujours sous la loupe et l’on brandissait, comme preuve ultime de mon incompétence, chaque faute d’orthographe, chaque oubli anodin, chaque phrase mal interprétée. J’étais la victime de l’air bête, du stress soudain, de l’emportement de colère. J’étais devenue une persona non grata.
Le stress du travail s’immisçait dans ma vie personnelle; je me chicanais souvent avec mon chum, je me réveillais en pleurant (en fait, je pleurais pas mal tout le temps), j’avais littéralement peur d’aller travailler. Je perdais peu à peu mon esprit d’initiative et mon entregent en me rétractant sur moi-même pour me protéger. J’ai dû consulter un médecin pour crises d’anxiété et symptômes dépressifs.
Savoir reconnaître le harcèlement
J’étais chanceuse de travailler avec une amie qui était témoin de tout ce qui se passait. Elle me répétait que je devais voir les choses comme elles étaient : c’était du harcèlement. Par contre, j’avais de la difficulté à le croire. Je croyais que je n’étais pas assez tough, que j’avais merdé.
C’est lors de ma semaine de vacances à des kilomètres de l’environnement toxique du bureau que j’ai finalement réalisé que ça ne pouvait plus continuer. J’ai compris que cette situation détruisait peu à peu la confiance en moi que j’avais pris des années à bâtir. Ce que ma patronne disait n'avait soudainement plus de sens. Ça ne collait pas avec ce que je savais être vrai de moi. J’ai alors décidé de démissionner.
« Ni la première, ni la dernière »
Je n’ai jamais compris pourquoi ma patronne s’est soudainement retournée contre moi, même si j’ai des hypothèses. Une chose est sûre : je n’étais pas la première ni la dernière. Bien qu’il n’y ait pas de statistiques officielles, on estime que 15 % des travailleurs québécois seraient victimes de harcèlement psychologique, et la majorité de ces victimes sont des femmes.
Aujourd’hui, je suis heureuse de m’être sortie de ce piège. D’une certaine façon, je reste persuadée que cette expérience m’a permis de transformer un emploi qui me rendait malheureuse en opportunité d’avancement, mais si je peux vous laisser avec un seul conseil, c'est celui-ci : ne perdez jamais de vue qui vous êtes. Et si vous croyez être victime de harcèlement, il est important que vous commenciez immédiatement un journal pour y noter les événements qui surviennent. Le harcèlement psychologique est l’une des formes les plus répandues de violence au travail, et ni vous ni personne ne devrait avoir à la supporter.
Ressources :