Je suis aussi très loin d'en être fière. En effet, jusqu'à tout récemment, je n'osais pas me qualifier ainsi. Dans la gamme des émotions c'est, à mes yeux, l'une des plus moches, des plus viles.
Cette étiquette que je m'appose m'est inconfortable, me fait honte.
Si, au départ, je devais consciencieusement appliquer ma mauvaise foi, elle m'est devenue naturelle, comme une seconde peau. Tellement que, maintenant, je dois réapprendre à exprimer, virtuellement ou pas, mon admiration pour autrui. Chacun des pouces en l'air et des compliments nécessite un effort, alors qu'auparavant, ils me brûlaient les lèvres pour être aussitôt ravalés.
Je suis avare, comme si donner de l'amour et des fleurs aux autres m'enlevait quelque chose personnellement, alors que rien n'est plus faux. Les forces des autres ne m'affaiblissent pas. Ce que l'on donne aux autres, on ne le perd jamais.
Je suis fatiguée de cette barrière qui me sépare des gens. Je me sens hypocrite aussi. Hypocrite de prendre la défense de la veuve et de l'orphelin, de revendiquer le droit au bonheur pour tous et de souffler des encouragements à tout-va, pour me sentir amère lorsque que le succès pleut sur les herbes voisines, toujours plus verdoyantes, alors que ma pelouse semble s'assècher à vue d'œil.