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Du sexe, un hymen, une femme, une communauté – Partie 2
Crédit: montage par Sonia Ghaya

Dans la première partie, je vous ai parlé de ma première fois #LesPetitesConfidences. Cette fois-ci, je me suis demandé comment les jeunes de ma communauté vivaient aujourd'hui avec cette culture du silence, cette sacralisation de l'hymen. Si c'était toujours présent et si les mœurs avaient évolué avec le temps. Je voulais tâter le pouls de cette génération et comprendre comment ces filles issues de différentes communautés percevaient leur sexualité. 

J'ai rencontré la diplômée en sexologie Aula Sabra, aussi musulmane, qui a gentiment voulu répondre à mes questions en se prêtant au jeu. Cette dernière travaille dans un établissement scolaire où près de 60 % de la clientèle est de confession musulmane.

Évidemment, Aula côtoie des adolescents de différentes nationalités et rappelle qu'elle remarque ces comportements tout aussi bien chez les musulmans que chez les catholiques ou les athées. Le manque d'éducation sexuelle n'a pas de visage ou de religion. Il est flagrant au sein de cette tranche d'âge et c'est ce qui est fâchant lorsque l'on constate le manque de ressources des écoles pour jongler avec les problématiques qui en découlent. Surtout sachant qu'une partie de ces adolescents n'ont pas discussion sur le sujet à la maison. La plupart du temps, ils se font répondre que « l'acte » peut attendre après le mariage et qu'ils ne devraient pas se poser trop de questions. 

D'un autre côté, ils sont influencés par les médias qui véhiculent une image faussée de la sexualité et comment celle-ci devrait être vécue avec leurs pairs. Ils composent alors avec plusieurs messages contradictoires, et dans ce méli-mélo d’idées, il leur devient difficile de se faire une tête. 

Dans ce contexte, selon Aula, il existe deux camps : ces jeunes qui, un peu gênés et par pudeur, préfèrent tout simplement ne pas en parler; et les autres, qui sont actifs et aventureux sans nécessairement être totalement conscients des précautions à prendre et des risques encourus. « À tous les jours, je dois casser certaines idées préconçues qui leur sont inculquées dès leur jeune âge. Il m'est déjà arrivé d'entendre des filles discuter, lors d'ateliers, du "fameux drap taché de sang" en guise de preuve de leur virginité. Parfois, on part de loin, d’où la nécessité de mon travail. » 

Oui, en 2016, ces idées rétrogrades sont toujours véhiculées. Par contre, Aula précise que les adolescentes se questionnent de plus en plus. Elles sont aussi conscientes du double standard dont jouissent les garçons : « Elles comprennent que certaines pratiques sexuelles adoptées par les garçons sont beaucoup plus acceptées par leurs communautés. Alors que dans le cas inverse, la situation serait différente. Cette culture sexiste subsiste encore aujourd'hui ». 

Ce silence autour du sexe et la désinformation qui circule amènent les adolescents vers un terrain glissant : « Je constate que beaucoup de filles ont quand même une sexualité active, mais pour préserver l'hymen, s'adonnent à d'autres pratiques comme le sexe oral ou anal ». En fait, il faut comprendre que pour ces jeunes, il est difficile de se trouver un endroit où ils peuvent avoir un peu d'intimité, puisqu'ils leur est impossible d'avoir des relations sexuelles à la maison, il leur est voire même interdit d'avoir un(e) copain/copine : « Ils font ça alors un peu n'importe où, n'importe comment et c'est là que ça devient dangereux. »

Conclusion? Plus ça change, plus c'est pareil. En fait, je dirais même que c'est pire. Pourquoi? Comme le soulignait Aula, le manque de ressources nuit énormément à son travail. Par contre, il y a de l'espoir, me confie-t-elle : « Ce qui me rassure et me motive à continuer, c'est voir qu'ils croient quand même à l'amour avec un grand A. Il y a cette culture du romantisme qui est présente, malgré qu'ils soient portés à banaliser la sexualité. » 

Et vous, comment avez-vous vécu votre sexualité à l'adolescence?
 

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