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Réflexions d’une célibataire pas trop laide et pas pire équilibrée
Crédit: Julie Rainville

Cela fait bientôt deux ans que je suis célibataire. La dernière fois, c’était à l’époque où il n’y avait que Réseau contact comme site potable en matière de rencontres sur le Web. Je me souviens d’avoir vécu quelques histoires un peu vides ou décevantes. Puis un jour, j’ai rencontré le père de mon fils. C’était lors d’une soirée, à l’époque où j’avais plus de temps pour sortir.
 
Ces deux dernières années, j’ai eu des phases Tinder et Ok Cupid de rien du tout, j’ai essayé le speed dating, je me suis inscrite à des cours de chant (je sais ça n’a pas trop de rapport), j’ai fréquenté des centres de yoga, des cafés branchés, des épiceries, des carrés de sable et une garderie dans un immeuble branché du Mile-End.
 
Je pense que je suis loin d’être « laite » ou inintéressante. Je n’ai pas mauvais caractère, mais je ne me laisse pas manger la laine sur le dos, je suis indépendante, mais je suis ouverte au partage, j'ai trouvé mon bonheur en tant que célibataire sans être trop endurcie, occupée, mais pas surbookée, pas maigre, mais assez  en forme, pas carriériste, mais fière de mon cheminement, pas riche, mais pas ruinée non plus, mère, mais pas trop poule. Un modèle équilibré et au goût du jour.
 
Plusieurs hommes m’ont expliqué que selon eux, sur les sites de rencontres, beaucoup de filles sont intéressantes, mais peu de gars le sont. Donc si je comprends bien, la compétition est forte et le ratio déséquilibré. Souvent, quand je me réinscris sur Tinder ou Ok Cupid (quelques mois après avoir deleté pour la énième fois mon compte parce que je suis tannée par les gars ou le « classement de faces »),  je reçois plein de messages. Sur une quinzaine, il peut y en avoir un qui retient mon attention : « tiens, il a l’air mignon celui-là, sans être trop narcissique, il ne fait pas de fautes d’orthographe et semble avoir un discours potable. Il n’a pas de photos de ses muscles ou de son torse épilé et il n'a pas l'air d'un artiste qui vole dans les airs ». Là, il y a quelques échanges de messages et parfois, au bout de quelques jours, une possibilité de rencontre.
 
Ce dernier mois, j’ai été sur Ok Cupid et j’ai traversé le processus excitant de recevoir trente messages par jour quand on se réinscrit et de sentir que j’ai l’embarras du choix. Ensuite, j’ai quelques rendez-vous planifiés et – concours de circonstances – trois annulations en deux semaines. Une fois de plus gonflée par la mascarade, j’ai effacé mon compte en me défendant de culpabiliser sur ma personne. Mais je me pose quand même quelques questions, parce qu’en tant que « pas trop laite et pas pire équilibrée », aujourd’hui célibataire plus expérimentée, je crois que j’ai le droit de proposer des analyses sur la question suivante : Pourquoi est-il si difficile de trouver un homme moderne, c’est-à-dire intelligent et adapté socialement, qui veut s’investir dans une relation? J’observe les profils de ceux qui semblent passer leur vie à voyager ou à faire du sport, parfois des pères de deux ou trois enfants, d’artistes branchés qui se tiennent dans les spectacles de musique ou vernissages et je me demande : comment feraient-ils de l’espace pour une femme dans leur vie?
 
Jusqu’à un certain point, je crois que la tendance chez les hommes est au non-investissement relationnel. Je crois que la liberté sexuelle a amené la possibilité aux hommes de « consommer » allègrement sans avoir l'obligation de s'impliquer. Parfois, certains ont un historique de couple qui les rend prudents, voire peureux avec les femmes.
 
Je me souviens de l’ingénieur qui bashait son ex-femme en proclamant que sa pension alimentaire finançait le condo dans lequel elle avait déménagée avec ses enfants, du compositeur de musique désillusionné par la notion de couple avec qui j’ai pourtant passé des moments prometteurs, de l’analyste programmeur en TI que je n’ai jamais rencontré parce qu’il était aussi coach de soccer quatre soirs par semaine pour l’équipe de ses enfants et qui n’avait du temps – un petit-déj à 7 heures du matin, ça te dit ? – qu’à des heures pas possibles, de l’écrivain culte à la sexualité débridée et au cœur détruit, au courtier en pharmaceutique qui passe neuf mois de l’année en Asie, à l’entrepreneur qui me faisait une évaluation live à notre première date du temps qu’il (n’)avait (pas) à investir dans une relation dans le cadre d’une analyse au coin du bar sur la pérennité de son entreprise. 

Où est le temps de l’investissement? Le temps de construire et d’être soi-même avec quelqu’un, avec tous les défauts de ses magnifiques qualités ? Devrions-nous prendre une position féministe par rapport à ces hommes qui se complaisent dans leur impénétrable indépendance ou popularité? Ils semblent étrangement avoir calculé leurs raisons de rester dans cette position. Par ailleurs, je ne crois pas que ce soit en en ayant l’air d’une pub de Ralph Lauren, de TAG, de Nike, de BMW, de Boss, de Gauthier, d’un artiste de Brooklyn, d’une couverture de National Geographics, de Yoga Magazine, que l’on trouve son bonheur, encore moins qui l’on est vraiment.
 
Notre cœur est physique, mais il est surtout le moteur principal de notre bien-être. Le don de soi et le partage sont les principaux concepts qui nous aideront à nous extirper, en tant qu’individus et société, de la courbe exponentielle des conséquences malencontreuses du capitalisme.
 
Alors, aimons. Tout simplement.

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