Je vous l’annonce d’emblée, pour certains sujets, je suis vraiment stiff. C'est parce que je connais pas mal de monde qui en ont vécu des vertes et des pas mûres dans la vie, et parce que tout le monde se confie à moi since always. Pour tout ce qui concerne le sujet des maladies mentales, je suis vraiment stiff. Du genre, vraiment, vraiment.
Ça part peut-être du fait que l’une des personnes des plus importantes pour moi, ma sœur jumelle, est en dépression depuis quatre ans. Ça fait quatre ans qu’elle se bat pour montrer que son mal – invisible aux yeux des gens – existe bel et bien.
Ça part du fait que mon amie de cégep, Steph, s’est enlevé la vie l’été passé. Dépression majeure. La souffrance était trop grande. La perte d’une personne avec qui j’ai construit mon identité de femme m’a fait mal et me fait encore très mal, même si je ne lui parlais plus trop.
Ça part du fait que quand on parle ~ l’équipe de TPL et de TPL Moms ~ de maladie mentale, c’est comme si on ouvrait une immense porte trop lourde qui laisse entrer des témoignages chaque semaine sur le mal de vivre de centaines jeunes femmes qui n’attendent que ça de se faire dire que ça existe les maladies mentales, et que les filles ne sont pas « juste folles ». Qu’il y a une lumière au bout du tunnel!
Sinon, c’est sûrement parce qu’ « invalider » la souffrance d’une personne déjà à terre, ça fait longtemps que ça me tue en dedans. Je dois être née avec un trop plein de compassion pis d’empathie.
Quand un texte comme « le bonheur est un choix » sort dans La presse +, ça m’enrage. Je saute aux barricades. Je capote ben raide.
Quand un médecin affirme que la dépression n’existe pas, je deviens bleue.
Quand une personne affirme que c’est parce que le monde s’attache trop au matériel qu’ils ne feelent pas, je flippe presque ma table (elle est vraiment trop lourde, je ne pense pas être capable de le faire littéralement un jour).
Quand une bande de personnes blanches privilégiées partagent un texte qui dit qu’elles aussi ont choisi le bonheur, je décroche.
~ Petite parenthèse, je vous invite à regarder vos privilèges avec ce test. Il n’est pas vraiment complet et il date de 2014, mais il est déjà intéressant pour ceux et celles qui se demandent à quel point elles sont privilégiées dans la vie.~
Je me vois (ou je vous vois) très mal regarder dans le blanc des yeux les parents d’une personne en dépression majeure qui s’est suicidée que le choix du bonheur est un choix qui aurait dû être fait à la place du suicide.
Je me vois mal donner comme solution à une personne qui se fait harceler par son parton de le black mail à la place de faire une plainte en bonne et due forme pour changer le sexisme au travail.
En tant que human person, mais aussi une personne proche des sciences, je me vois mal invalider le fait qu’il y ait un débalancement chimique dans le cerveau d’une personne dépressive. PIRE ENCORE, je me vois surtout mal dire à une personne qu’il y a une échelle de gravité dans les causes d’une dépression, que c’est pas mal plus légit qu’une dépression causée par un milieu de travail toxique ~ parce que c’est connu que tout le monde a le luxe de laisser sa job du jour au lendemain.
Mais eille, je ne suis pas contre la vertu, il n’y a personne qui dit (à part notre cher gouvernement libéral québécois) qu’il faut limiter l’accès au soin de santé, et surtout à ceux de santé mentale. Personne ne dit, « omg, notre société de performance est telleeeeeement nice, change pas ma belle. » Et personne ne dit non plus « ce serait vraiment cool que tout le monde soit médicamenté et n’ait pas de suivis psychologiques adéquats pour les dépressions ». Non. Personne ne dit ça. Des problèmes, notre système de santé en a en tabarnouche.
Mais oser dire que le bonheur est un choix, sorry, mais moi je trouve ça dangereux et irresponsable de la part d’un médecin. Malheureusement, avec les maladies mentales, tout comme les problèmes de toxicomanie, on ne peut ne rien faire pour forcer la personne qui en souffre à se faire traiter. On peut juste, en tant qu’humain, lui tendre la main pour essayer de l’accompagner là-dedans. Ce n’est pas choisir ou pas le bonheur, c’est de prendre tout le reste de courage qu’il reste au fond de soi pour demander de l’aide. Pis c’est pas toujours facile de demander de l’aide quand tu n’es plus capable de te lever pour manger ou prendre ta douche.
Le bonheur peut être un choix quand tu nages dans les privilèges, mais il l’est pas mal moins quand tu te demandes comment tu vas finir le mois avec les sous qui te restent en banque. Le bonheur, c’est peut-être un choix quand tu n’as jamais vécu de violence à ta maison ou que tu n’as jamais fait partie des une personne sur trois qui ont vécu de la violence sexuelle au cours de leur vie. Le bonheur, c’est peut-être un choix pour toi, mais pas pour tout le monde.
On oublie aussi que notre réseau de santé est rempli de personnes là pour nous donner un coup de pied dans le cul. Comme la TS de l’urgence psycho sociale que j’ai vue lorsque j’étais morte de stress et par terre l’année passée, qui m’a donné le coup de pied au dernière pour faire des choix que j’hésitais à faire. Sauf qu’à la différence de plusieurs, je n’étais pas en dépression, mais en détresse psychologique. Ce qui n’est vraiment pas la même chose. J’étais encore capable de me lever. J’étais encore capable de vivre. Ce n’était pas choisir le bonheur, c’était choisir d’aller mieux.
Reste que mon expérience, ce n’est pas un cas de figure et que j’ai appris avec les années à tendre la main aux personnes dépressives pour les aider pour des petites choses, comme ne pas minimiser leur souffrance.
Minimiser la dépression, même si ça part de bonne intention, moi, je passe mon tour.