Je ne me souviens pas trop du jour exact où ça a commencé. Quelque part entre mes cours de natation au secondaire et la fois où des garçons plus vieux m’ont crié de quoi de vulgaire sur mes fesses dans la rue, j’ai réalisé que mon corps n’était plus celui d’une petite fille.
Je n’avais plus un corps invisible, un corps-enfant-plein-de-sable, un corps-fillette-à-robe-sale qui se prend pour une paléontologue. Je devenais un peu une femme.
Mon corps allié jusque-là devenait petit à petit un corps en expansion, qui poussait, changeait. Un peu croche, un peu pointu. Je me demandais souvent si je poussais de la bonne manière.
Comme la plupart des gens, je n’ai pas grandi dans une famille de naturistes. Mon exposition à des corps adultes nus (partiellement ou la totale) remontait au temps où ma mère allaitait ou lorsqu’en jouant à des jeux sur Internet un jour, mon frère et moi avions cliqué sur une pub qui nous avait amenés à des photos de femmes orange, nues, gonflées et platines. J’étais sous le choc.
Même si j’avais un peu peur de sortir de l’invisibilité, j’avais quand même hâte de devenir comme elles et vivre ma vie en forme de « vraie femme »; c'est-à-dire, l'idée que j'avais de la définition de « véritable femme » à l'époque, qui était simpliste et erronée. Je rêvassais à ma poitrine menue qui se transformait comme un Animorph, en une plus généreuse comme celle de ma mère. Je voulais faire partie de ce club élitiste auquel n'étaient acceptées que celles qui avaient le physique adéquat. Je m’imaginais avec des seins gros comme les montgolfières des femmes orange, et parfois dans les cours de natation, j’observais du coin de l’œil les filles de ma classe.
J’ai attendu longtemps avant de me rendre à l’évidence : la puberté avait oublié de passer dans la zone entre mon nombril et mon cou. J’allais me retrouver avec une poitrine moyenne, avec des mamelons pointus (qui se calmaient le caractère seulement quand j’avais froid) comme ceux d’une forever adolescente. J’étais dévastée.
Je ne sais plus si c’était par curiosité sexuelle ou pour d’autres raisons nébuleuses, mais je me suis à nouveau retrouvée quelques mois plus tard sur un site pornographique, cette fois-ci sans personne à mes côtés. J’ai eu la chance de tomber sur un site plutôt soft, tirant sur l’amateurisme. J’étais surprise de voir une fille qui semblait avoir à peine 3 ans de plus que moi, être aussi à l’aise nue. Elle me ressemblait drôlement au niveau des traits, mais aussi au niveau de sa morphologie. Elle aussi avait des seins aux mamelons puffy comme des guimauves roses. J’étais étonnée de la voir si bien, si naturelle, si désirée. Mais surtout si normale. Soudain, je ne me sentais plus hors-norme.
Je ne pouvais pas m’en douter, mais cela a été une étape importante dans l’acception de mon corps. Quoique ça ne s’est pas fait du jour au lendemain et que j’ai quand même perdu ma virginité quelques mois suite à cette découverte en portant un soutien-gorge, la découverte de cette actrice porno m’a ouvert les yeux à un monde de nudité où les gens étaient montrés sous toutes leurs formes. La pornographie a un lot de points négatifs que je ne pourrai jamais nier, mais elle m’a appris une magistrale leçon de vie.
Je ne sais pas comment mon corps va continuer à pousser, s’il ressemblera à une mer avec des vagues de doux ou au désert plissé du Sahara d’ici quelques années, mais une chose est certaine : je ferai de mon mieux pour ne plus jamais le trouver inadéquat.