Les troubles alimentaires sont entrés sans grand fracas dans ma vie. Sournoisement et de façon insidieuse… La littérature médicale explique que dans la majorité des cas de TCA (Troubles du Comportement Alimentaire), la personne est prédisposée à développer une des branches du trouble tout au long de sa vie. Il suffit parfois d’un élément déclencheur pour que le trouble se déclare et prenne de plus en plus de place dans le quotidien de l’individu.
Pour ma part, j’ai eu un gros chagrin d’amour à dix-sept ans, c’était ma première expérience de rejet. Mon cerveau a associé le rejet au fait que je n'étais pas assez mince (surtout que ledit élu de mon cœur avait été vu peu de temps après en compagnie d’une fille format mini… l’association dans ma tête s’en est juste imprégnée davantage). J’ai alors commencé ce qu’on peut appeler une « remise en forme » : meilleure alimentation, entraînement deux à trois fois par semaine. C’était correct.
Ce qui ne l’était pas, c’était les pesées. Plus les jours avançaient, plus le nombre de pesées par jour augmentait. Certains jours, il m’arrivait de me peser plus d’une quarantaine de fois, scrutant à la loupe ne serait-ce qu’un milligramme de plus sur la balance. C’était obsessif.
Chaque livre perdue était une joie indescriptible. Chaque livre gagnée était une souffrance infinie. C’est ainsi qu’à l’aube de mes 18 ans, après quelques mois de ce manège, j’ai réalisé que j’avais un problème. J’ai aussi compris que je ne voulais rien y changer. J’aimais ça. J’aimais le contrôle que ça m’apportait et, de façon malsaine, j’aimais les regards de mon entourage. Je pensais que c’était des regards d’intérêt, d’attention, mais c’était plutôt des regards d’inquiétude. Je fondais comme neige au soleil.
J’ai vécu une bonne année avec ce régime (ah! jeu de mot douteux, sorry), avant que la restriction alimentaire que je m’imposais se transforme en crises de boulimie. Ici aussi, la littérature médicale avance que la plupart des cas d’anorexie restrictive finissent par évoluer en boulimie-anorexie. Les cas qui n’évoluent pas sont souvent ceux qui mènent à la mort de la personne malade…
Depuis janvier 2012, j’ai alterné entre boulimie et anorexie. J’ai dépensé des centaines, probablement près d’un millier de dollars en nourriture. J’ai volé. Je me suis abîmée l’estomac, le cœur, le cerveau, les dents, les intestins, le corps en entier. J’ai détesté l’image que me renvoyait le miroir, j’en ai d’ailleurs brisé plus d’un au fil des ans. Je me suis détestée.
J’ai été malheureuse toutes ces années, mais je n’arrêtais pas. Puis, un matin de 2015, en me levant tordue par les douleurs d'estomac et la bouche pleine d'ulcères, j’ai compris. J’ai réalisé que j’hypothéquais ma vie, que je pouvais mourir. Après beaucoup de larmes, j’ai décidé que ça suffisait. À partir de ce jour-là, j’ai choisi de m’investir réellement dans ma thérapie (j’étais suivie depuis 2012). J’ai choisi la vie, j’ai choisi le bonheur, j’ai choisi de me donner l’option d’être bien dans ma peau et dans ma tête. J’ai aussi compris que chaque corps et métabolisme sont uniques et c’est cette unicité qui fait la beauté des humains.
Le parcours pour guérir d’une maladie mentale est probablement le plus difficile à amorcer et à traverser. Le spectre de la maladie tournera toujours autour de ma tête, mais j’ai aujourd’hui une boîte à outils pleine, et des proches aimants pour me rappeler que mes efforts en valent la peine. Aujourd’hui, ça fait trois mois que je n’ai pas eu de crise alimentaire, et j’ai le goût de vous dire que c’est possible. Qu’aller mieux est un choix qu’on peut et qu’on doit faire pour nous.
Avez-vous déjà vécu un trouble du comportement alimentaire? Quels ont été vos outils pour vous en sortir?
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(J’ai été dans un groupe fermé de l’ANEB, et ça m’a sérieusement beaucoup aidé. Les intervenantes sont patientes, compréhensives et extrêmement bien formées)
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