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Je dépense donc je suis
Crédit: Annie Nonyme

Je me rappelle très clairement du sentiment de bien-être qui m'habitait chaque rentrée scolaire. Un sentiment d’excitation insensée, puisqu’il s’agissait du moment où ma grand-mère (à défaut de mes parents), exaspérée par mes vêtements brisés ou trop petits, se décidait d’aller m’habiller.

Ce n’était pas seulement des nouveaux vêtements à mes yeux. C’était le seul moyen concret de modifier la perception des autres sur moi-même. Les enfants ont un pouvoir obscur qui leur permet de repérer les différences chez les autres à des miles à la ronde. Mes nouveaux vêtements me donnaient l’impression de pouvoir sortir enfin du cercle vicieux de l’intimidation. Je me créais ainsi une nouvelle armure, une nouvelle confiance en moi. J'appartenais maintenant au groupe des gens bien habillés, des gens riches, des gens heureux.

Oh, naïveté…

Je réalise aujourd’hui qu’il n’y pas un moment où je ne suis pas à la recherche de cette euphorie. Ce sentiment de confiance en soi qui accompagne chaque nouvelle dépense. Chaque dépense aujourd’hui — des vêtements, des bijoux, un rouge à lèvres — se veut un symbole de liberté. Un moyen de changer la perception des autres sur moi-même. Un moyen de changer ma perception de moi-même également. Je dépense donc je suis. Je suis libre. Je suis belle. J’existe. Je peux m’identifier à un groupe. Je peux dépenser. Apaiser mon anxiété, un dollar à la fois.

Telle une junkie à la recherche constante de son premier planage.

Ne vous méprenez pas, la peur de manquer d’argent à la fin du mois fait décoller mon anxiété en flèche. Elle existe, je la connais, je l'anticipe même. Voyez-vous l’incohérence dans cet ingénieux système? Moi pas. Pas avant maintenant. Pas avant de m’arrêter, de regarder les chiffres. Pas avant d’accepter d’en parler.

Je suis une dépensière compulsive. J’ai déjà manqué de bouffe et mangé des claques. L’odeur de l’argent me rassure. 400 $ de vêtements, 800 $ de repas sur le pouce m’enchantent. Ça me rassure parce que je peux. Ça me rassure, parce que quand je serai dans la merde, je devrai me battre pour m’en sortir. Et se sortir de la merde, si ce n’est pas un sentiment euphorique, ça, je ne sais pas ce que c’est. 

Pas loin, la culpabilité me ramène sur terre. 

Après avoir réalisé mon problème, j'ai cherché de l'aide. 

Il y a des groupes à Montréal et ses environs : 

Les débiteurs anonymes
514-933-3446

Et vous? Quelle est votre relation avec l'argent?

 

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