Ses parents étaient divorcés, je ne me souviens plus pourquoi, mais c’est une des premières choses qu’elle m’a révélées sur son passé quand on s’est rencontré au cégep. Ses deux parents s’étaient remariés, mais elle n’aimait pas passer du temps avec son père et sa nouvelle femme.
Elle habitait à temps plein avec sa mère et je sentais que ses impressions de son père étaient formées majoritairement des opinions de sa mère. Cela va sans dire que la relation ne s’était pas terminée amicalement.
Au cégep, on était inséparables, on sortait dans les bars au moins trois fois par semaine, on buvait comme des trous.
La première fois que j’ai vu son père sur un site de rencontre, je lui ai dit. Elle a trouvé ça drôle. Je l’avais rencontré une fois par hasard quand on était en train de magasiner quelques semaines plus tôt, alors il savait très bien qui j’étais quand il a cliqué sur mon profil.
La deuxième fois, il m’a parlé.
Il m’a demandé comment ça allait, si j’étais en période d’examens, si sa fille allait bien, et en dernier, il m’a demandé ce que je cherchais ici. Je me trouvais déjà bien wild de parler au père de mon amie sur un site de rencontre, alors j’ai répondu que j’étais en manque. Il a dit « haha, bonne chasse alors ». J’ai trouvé ça drôle.
Je n’ai pas pu m’empêcher de lui dire, je l’ai appelé tout de suite après. Je riais tellement qu’elle n’a pas pu faire autrement que rire aussi, mais je sentais qu’elle trouvait ça un peu awkward.
Le lendemain à l’école, tout allait bien. C’est même elle qui a amené le sujet, me demandant si j’avais reparlé a son père après lui avoir téléphoné. En ajoutant « oh my god, imagine si tu fourrais mon père, hahaha! »
Nous étions crampées à l’idée.
J’ai continué de discuter avec son père sur le site quelques fois par semaine, sans lui dire.
Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas continué de lui dire chaque fois. Dans un sens, la joke était la même, j’avais reparlé a son père sur un site de rencontre, mais pour moi ce n’était plus drôle, j’avais l’impression de commencer à développer une relation avec lui.
Au début, c’était platonique, il s’y connaissait beaucoup en politique et ça m’intéressait. Par la suite, nous avons commencé à partager nos expériences. Discuter de choses plus sexuelles. Ça m’excitait, je sentais que je ne devais pas parler de ces choses-là avec le père d’une amie et ça me poussait à en dire plus. Des fois, j’inventais même des trucs pour avoir l’air plus intense. Je sentais que ça l’excitait aussi.
Durant les deux mois où on s’est parlés, il me demandait souvent si ma coloc était là. Elle y était toujours puisqu’elle travaillait de la maison. Jamais je n’ai pensé qu’il me demandait ça parce qu’il voulait venir chez moi. Jusqu’à la semaine où ma coloc était en voyage.
Cette semaine-là, il m’a demandé ce que je faisais. J’ai dit que je nettoyais l’appartement avant le retour de ma coloc. Il était surpris que je sois seule. Il m’a demandé si j’avais besoin d’aide pour le nettoyage. J’ai répondu : « Oui haha, c’est vraiment dégueu! »
Il m’a demandé mon adresse.
J’ai paniqué. Je ne savais pas quoi faire. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé ce que j’avais fait pendant deux mois : flirter avec le père de mon amie. Dans ma tête, c’était innocent, je ne pensais jamais que ça irait plus loin, même si j’y avais rêvé une fois.
Je lui ai donné mon adresse.
Dès que j’ai pesé sur send, un frisson a traversé mon corps et je me suis sentie devenir humide. J’avais honte, je savais que c’était wrong, que j’allais sûrement tout regretter plus tard, mais j’étais excitée. Toutes les raisons pour lesquelles je ne devais pas le faire m’excitaient. Il m’excitait.
J’ai avalé deux shooters de vodka et je l’ai attendu.
Quand il est arrivé, je tremblais de nervosité. Je lui ai fait visiter mon appart, il a ri en me rassurant que ce n’était pas si sale que ça, ça m’a fait rire et ça a calmé mes nerfs. Il m’a demandé où était ma chambre. Je lui ai montré le chemin vers la chambre de ma coloc, je ne sais pas pourquoi, instinctivement, je ne voulais pas que ça se passe dans ma chambre.
Il est entré, j’ai fermé la porte et sans aucun autre mot nous avons fait l’amour. C’était intense, presque animal, je ne me suis jamais sentie autant désirée de ma vie. Je n’avais jamais couché avec un homme plus vieux que moi. Le mélange d’émotions était fou et j’ai eu mon premier orgasme. Je croyais en avoir déjà eu, mais jamais aussi intense.
Après, quand il s’est rhabillé, il m’a regardé en souriant et m’a dit : « Tu vas rien dire de tout ça à Sophie (nom fictif), han? ». C’est là que j’ai su.
C’est là que j’ai compris ce qui venait de se passer. Je portais maintenant un secret.
J’ai désactivé mon compte sur le site de rencontre.
Je ne lui ai jamais reparlé et je ne l’ai jamais dit à mon amie. J’ai l’impression que mon secret a fait en sorte que j’étais un peu plus sur mes gardes avec elle. J’ai pris mes distances un peu inconsciemment. Ça fait trois ans que je ne lui ai pas parlé.
J’ai souvent essayé d’imaginer sa réaction, mais j’ai toujours su que je ne lui dirais jamais.
Avec du recul, j’ai compris que c’était plus une amie de party et que c’était peut-être ce qui m’avait permis de faire ce que j’ai fait. J’analyse rarement mon rôle dans tout ça, je préfère ne plus y penser. Sauf des fois pour me caresser.
Je ne pense pas que je m’en veux, mais je ne dirais pas non plus que j’en suis fière.