« Les filles ADORENT se faire dire quoi faire pour être moins moches, ça les fait triper! Plus tu dis qu’elles sont laides, plus elles sont contentes! »
On est habitués, Richard Martineau aime semer la controverse. Ce grand chroniqueur, publié sous la bannière du puissant Journal de Montréal, semble penser que la liberté d’expression rime à la légitimité que toute affirmation ignorante est une opinion valable. Le blogueur se tape sur la cuisse en attendant son chèque, pendant que ses lecteurs se divisent en deux clans. Un polémiste, un vrai! Qui fait réfléchir son Québec pour le besoin de la cause (à noter ici toute l'ironie dont je dispose).
Ceci dit, les clics générés par des articles vidanges à la Martineau sont au cœur d'un problème bien plus grand que nous ne voulons le croire.
Je vais vous le dire, ce que je pense de cet article, publié le 10 février dernier. Et mon opinion vaut peut-être la même chose que la sienne. Après tout, je me cache aussi derrière le clavier de mon ordinateur pour exprimer toute l'indignation que j'ai ressentie en lisant son tableau sexiste et méprisant.
J'aimerais croire que lorsque l'on bénéficie d'une tribune aussi lue que celle du Journal de Montréal, on en profiterait pour générer des débats sensés ou encore on l'utiliserait à bon escient pour démontrer que ce que l'on a à dire est réfléchi, intelligible, posé. Non?
Martineau a le droit de ne pas être d'accord avec certaines choses que certaines femmes font, mais là où je constate un véritable échec dans son propos, c'est qu'il sermonne LES FEMMES avec un grand F, qu'il les enferme entre quatre murs de stéréotypes mononcles dépassés et de clichés surexploités, en pensant qu'en appelant à la solidarité de la gent masculine, ça va faire rire le p'tit peuple et fâcher les grosses féminis' frustrées.
Quand je pense aux absurdes Roosh V de ce monde et à leurs disciples qui manifestent pour la légalisation du viol, quand je regarde le procès de Jian Ghomeshi pour agressions sexuelles et des tactiques de son avocate pour diminuer la crédibilité de ses victimes, quand mon amie ne veut pas sortir seule de chez elle le soir par peur de se faire attaquer ou catcaller, je trouve qu'il n'y a rien de drôle à rire d'une femme.
Même si « it's 2015 2016 », les femmes doivent défendre leur place dans la société, se battre pour une équité, manifester pour faire reconnaître leurs droits et leurs acquis. Elles ne font pas pitié, M. Martineau, les femmes actuelles. Elles sont fortes et elles se tiennent debout. Elle sont mamans, carriéristes, étudiantes, artistes, militantes, journalistes, astrophysiciennes, modélisatrices 3D, commis, acheteuses, vendeuses, entrepreneures, blogueuses, enseignantes, tatoueuses, coiffeuses, mécaniciennes, etc. Elles n'ont pas besoin de se forger une identité en s'appuyant sur le sexe opposé.
Toutes les nounounes sont des femmes.
Je suis une femme.
Donc je suis nounoune.
Richie Rich Martineau s'est attaqué à un problème plus grand que lui, qui dépasse ses capacités de journaliste chroniqueur. Les réponses à ses questions misogynes relèvent de phénomènes beaucoup plus complexes que la thèse qu'il soulève, voulant que les nounouneries choix d'une femme reposent sur la soumission qu'elle porte à son suprême mâle alpha.
Je suis de fort avis que l'érudit de Québecor s'est maladroitement attaqué à un problème régi par des lois bien plus grandes, que l'on ne peut pas saisir du jour au lendemain. Et c'est malheureusement avec des billets de blogue de la sorte qu'on fait reculer une société. Publier du scandale pour le marché des views payants, se créer du capital en tentant de détruire la crédibilité des femmes, c'est lâche et ça manque franchement de goût.
En rappel : le Québec et les femmes
1940 : les femmes ont enfin le droit de vote au Québec
1988 : l'avortement est statué légal
1996 : adoption de la Loi sur l'équité salariale
2008 : la formule « égalité entre les femmes et les hommes » se retrouve pour la première fois enchâssée dans la Charte québécoise des droits et libertés
2012 : première femme élue en tant que première ministre du Québec
Êtes-vous aussi outrés que moi par le billet de Martineau? Que pensez-vous de ses propos?