Quand j’avais 17 ans, je m’étais fait un plan mental. J’allais me faire retirer l’utérus avant mes 20 ans. Mes raisons étaient claires et je les considère, encore aujourd’hui, comme très rationnelles.
Parce que l’idée d’avoir des enfants me donne le shake depuis presque toujours. Quand mon cerveau digère les catastrophes écologiques, les crises sociales, la bêtise humaine pis tout ce qui peut donner envie à ma rationalité de se crisser dans un trou, j’ai de la misère à motiver le fait d’obliger un nouvel humain à dealer avec les maux de sa génération.
La vie de famille me donne le shake aussi parce que j’ai peur de gâcher mes enfants potentiels. Peur d’être irresponsable, d’oublier des trucs niaiseux, de ne pas être capable de suivre la cadence. Je n’ai aucune pratique dans les situations familiales saines et je me sens prise en asile chaque fois que quelqu’un m’invite à souper.
J’ai peur aussi de reproduire des patterns. Comme si les enfances ratées étaient héréditaires. Et que la vie de famille allait, à un moment ou à un autre, sortir les monstres de sous mon lit. J’oscille encore entre la peur de contaminer les autres de mes ombres et la rage complètement égoïste d’offrir plus de douceur que je n’en ai reçue.
À un moment, j'ai été amoureuse pour vrai. J’étais soûlée par des idées romantiques et la promesse de la stabilité émotionnelle. Avoir la tête moins lourde, porter des projets à deux. Et l’idée de me bricoler une famille avec des miettes d’amour me semblait moins violente avec le temps. Cette relation est maintenant terminée, mais elle m’a quand même permis d’amorcer un semblant de paix avec moi-même.
Mes réactions sont encore terriblement imprévisibles. Ceux qui me connaissent savent qu’il ne faut pas me promettre qu’un jour j’aurai « ma famille à moi » dans un lieu public. J’ai encore des sanglots incontrôlables suite à un rêve où je me vois enceinte. Et je fige toujours complètement quand je dois tenir compagnie aux rares enfants qui orbitent dans mon entourage.
J’ai 22 ans et un utérus encore à la bonne place. Des émotions encore en dents de scie et la confiance un peu trop variable envers le monde dans lequel je vis. Je ne sais pas quelle partie de moi trouvera le calme. Mais j’espère apprécier un jour pleinement le courage de ma décision.