Lors de notre entretien, Manon Gosselin venait de vivre quelque chose qui ne la surprend plus, mais qui continue de l’enrager : un employé qu’elle venait tout juste de mettre à pied défiait son autorité.
Il la tutoyait. Il lui donnait des ordres. Il voulait parler à un superviseur masculin.
Ces manifestations de discrimination sexuelle, c’est précisément ce que Manon travaille à enrayer, ayant elle-même gravi les échelons un à un pour occuper aujourd’hui le poste de directrice générale de la division montréalaise de Héneault et Gosselin, une compagnie spécialisée dans les fondations de bâtiments.
Crédit : Héneault et Gosselin
Ses débuts dans la compagnie, elle les a faits comme secrétaire. Elle faisait le travail de bureau qu’on lui demandait sans rechigner. Aujourd’hui, elle compare le travail accompli par les femmes et celui accompli par les hommes à ce poste, et la différence est flagrante : les hommes qui se voient confier du travail « de bureau » refusent bien souvent de faire certaines tâches, jugées trop féminines! Macho, macho men…
Déjà à l’époque, Manon savait bien qu’il y avait un écart entre la présence masculine et féminine sur les chantiers. C’est d’ailleurs son cheval de guerre aujourd’hui et en tant que directrice générale, Manon n’hésite pas à instaurer de nouveaux règlements sur les chantiers. Un exemple? Elle a formellement interdit aux travailleurs de siffler les femmes! « Non mais, c’est ridicule d’arriver sur un chantier pour faire son travail et de se faire siffler! On est tous des professionnels ici, est-ce qu’on peut se respecter?! » Un ouvrier pris sur le fait reçoit une lettre disciplinaire et, selon la convention, après 2 lettres, une journée sans solde, etc. jusqu’au congédiement! Alors, on ne blague pas!
Crédit : Héneault et Gosselin
Aussi, lorsqu’elle prend la ligne pour répondre à des clients, il est très fréquent n’est pas rare qu’elle se fasse répondre « Est-ce que je peux parler à un homme? », même lorsque la personne au bout du fil est une femme! Dans cette situation, une seule réponse s’impose : « C’est moi qui vais vous répondre, quelle est la question? ».
Quand on parle avec elle de discrimination sexuelle en milieu professionnel, on sent combien ce sujet touche Manon Gosselin. Bien qu’elle constate une petite amélioration, elle sait qu'il reste encore beaucoup à faire. Le changement de mentalité doit être effectué chez les femmes aussi. Elle ne saurait compter le nombre de fois où, s’adressant à une cliente au téléphone pour qu'elle réponde à des questions, celle-ci lui répondait qu’elle ne savait pas, qu’elle devait vérifier avec son mari…
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Manon est du genre à prendre le taureau par les cornes. Plutôt que d’attendre que l’homme rappelle, elle explique à la dame quoi aller vérifier, où, comment, etc. « Si je ne leur explique pas, elles continueront de s’en remettre à un homme! », s’exclame Manon. Comme quoi c’est avec les petites choses qu’on fait les grands changements.
Manon le sait, elle s’attaque à tout un problème en décidant d’enrayer la discrimination sexuelle contre les femmes dans le milieu de la construction. Mais à voir les petits et grands moyens qu’elle prend, je ne doute pas qu’elle fait déjà un grand pas dans cette direction. Et c'est vraiment inspirant!
Crédit : Philippe-Olivier Contant/Agence QMI