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Taylor Swift est en couverture du magazine ELLE et #LesGens en profitent (encore) pour fat-shamer.
Crédit: taylorswift/Instagram

Je ne suis pas très fan de Taylor Swift. Oh, elle est bien talentueuse, sans doute très brillante, hyper-gentille, cool et tout ça, mais je dois admettre que je n’embarque pas dans le culte. Je n’ai absolument rien contre elle. Je ne la bitcherais pas. Mais je suis plutôt indifférente à Taylor Swift. Voilà qui est dit.
 
Une nouvelle a toutefois piqué ma curiosité. Je vous explique.
 
Taylor Swift est très mince. On ne peut le nier. Est-ce naturel? Supposons que oui. Taylor doit performer, a sans doute un horaire de fou et voyage constamment. Elle ne peut se permettre d’avoir un problème alimentaire important et à long terme. Du moins, j’imagine qu’elle est « suivie » de près, qu’elle a un entraîneur, accès à un médecin, à un nutritionniste, à des gens pour la soutenir, etc. Elle semble en santé et en forme et de plus, elle est assez grande. Il est donc « normal » qu’elle soit élancée. Je sais, ça ne veut rien dire. Elle doit surveiller son alimentation, c’est évident. Ce n’est peut-être pas toujours très sain. Nul ne le sait.
 
La chanteuse se trouve ce mois-ci en couverture du magazine ELLE.

Quelle ne fut pas la réaction de toutes les collaboratrices de TPL lorsque l'on a constaté qu'un média québécois a trouvé moyen de fat-shamer cette femme ultimement mince.
 
Apparemment que son jumpsuit ne « l’avantage pas ».
 
Bien que ça n’ait pas été spécifié dans l’article en question, on devine que son auteure faisait référence à la silhouette de la jeune chanteuse puisqu’il était écrit : « …elle qui a pourtant la plus belle silhouette sur Terre. » Les mots édifiants « pauvre petite chose » faisaient aussi partie du texte.
 
Le passage a été retiré de l’article. Pas la peine de le chercher. Je ne le mettrai pas en lien, non plus. Ça ne m’intéresse pas de pointer du doigt. Mais soulever quelques aspects troublants de cette « réflexion » sur l’apparence d’une femme me semblait toutefois pertinent. Eh oui, l’apparence, encore et toujours. On ne s’en sort pas. Mais bon, ce n’est pas parce qu’on est dans l’apparent que ce qui se cache en dessous n’est pas troublant et révélateur. J’en ai déjà discuté.
 
Encore une fois, la femme dans un étalage, comme si on avait affaire à un petit rôti de bœuf abandonné à la boucherie. Pardonnez-moi, il fallait que je le dise. Je sais qu’il s’agit de la couverture d’un magazine de mode, mais justement, on prétend régulièrement et depuis fort longtemps que ces derniers sont d’importants vecteurs quant aux valeurs corporelles (mal)saines pour les jeunes femmes. Le problème serait-il plutôt ailleurs?
 
Quelques observations :
 
-Je ne comprends pas quelle partie de son anatomie n’est pas « avantagée ». Je ne suis pas experte en mode, mais voyant la photo, il semble évident que certaines filles portent bien le jumpsuit. Je n’affirmerai pas que d’autres devraient l’éviter. Chacune porte bien ce qu’elle veut, peu importe son apparence. On parle de vêtements, hein. Est-ce utile de spécifier que derrière ces vêtements, il y a un être humain ayant des idées, une personnalité, un propos? Peu importe lequel. Il y a, dans la vie et dans le monde, assez de domaines, de lieux et d’occasions où les femmes sont encore, bien malheureusement, désavantagées. Être une femme ne se réduit pas à l’apparence.
 

 
-J’ai beau plisser les yeux, je ne vois pas. Peu importe ce qu’on pense dudit vêtement (pas particulièrement beau, à mon humble avis), je ne vois rien en lien avec son corps qui soit négatif. Et même si c’était le cas, qui suis-je pour le soulever et même le penser? Il s’agit là d’un problème. Pourquoi sommes-nous si « concernées » par l’apparence des autres, particulièrement celle des femmes et par l’apparence en général?
 
-Peut-être a-t-elle mangé une collation avant ou pendant le shooting, au pire.
 
-Peut-être est-elle menstruée? Ça arrive parfois, quand on est une femme. Une semaine par mois. À tous les mois.
 
-Peut-être a-t-elle inspiré au moment de la photo et son ventre s’est rempli d’air? Ça aussi, c’est possible. Les humains font ça, au courant de leur vie.
 
-Et même si elle avait eu un bourrelet très évident, voire 30 livres en plus, en quoi ferait-elle pitié? En quoi serait-ce dérangeant ou négatif au point d’en débattre? En quoi serait-ce même digne de mention?
 
-C’est pas comme si elle n’avait pas vu et approuvé la photo auparavant. Elle doit ainsi être satisfaite de son apparence et du résultat.
 
Qu’est-ce qu’une silhouette avantageuse et à QUI profite l’avantage? Voulez-vous bien me le dire? Et en quoi cette « petite chose » aurait-elle fait si pitié admettant qu’elle aurait eu l’air de porter 12 livres de plus? Je ne veux pas simplement dire « elle est mince, de toute manière, alors quelques livres de plus… ». Non.  
 
Si faire pitié passe par les contours de notre silhouette, si faire pitié passe par notre apparence, par notre apparence sur la couverture d'un magazine, de surcroît, il y a un problème. Nous avons un problème.
 
Entre ça et se moquer de la différence, il n’y a qu’un pas.

Si l'apparence de Taylor Swift sur la photo ci-dessus nous fait pitié, je me demande bien ce que nous pensons (ou ne pensons pas!) de l'assistée sociale, de la fille violentée par son chum, de la fille en dépression, de la mère célibataire qui peine à joindre les deux bouts, de la locataire expulsée qui ne saura pas où aller le 1er juillet, de l'étudiante qui va abandonner son rêve pour se trouver un boulot mal payé, de la fillette humiliée dans la cour d'école, de la connaissance qui ne voulait pas vraiment avoir une relation sexuelle lors de ce party, mais dont le non-consentement n'a pas été respecté, de la collègue harcelée par le patron, de la travailleuse pas aussi bien payée que le travailleur pour un travail équivalent, de l'immigrante qui n'aura malheureusement jamais les mêmes chances que les autres et de toutes celles qui sont, vraisemblablement, désavantagées. Et je ne parle même pas d'ailleurs dans le monde.

Je ne crois pas que nous aidons notre condition à travers cette belle « réflexion », non. Nous avons un problème.

Oh, je sais bien qu’on parle d’une vedette plusieurs fois millionnaire, retouchée, probablement fashion victim à l’extrême et elle-même obsédée par son paraître, se prêtant volontiers au jeu des caméras et de l'image. Je ne me lancerai pas dans ce débat. Elle pose pour un magazine de mode. Je sais. On en pensera bien ce qu'on veut.
 
Mais je le répète, nous n’avons pas besoin de réduire, une fois de plus, la féminité à l’apparent. Même s'il s'agit d'une starlette.
 
Ouais, c’est d’une femme, dont on parle.

Et être une femme, au cas où vous l'ignoriez, c'est pas toujours facile. 
 
Ce sera tout.

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