À l’international, le mannequinat taille plus gagne chaque jour en importance grâce à des femmes magnifiques comme Tess Holiday ou Ashley Graham. Certains médias aussi lui font graduellement une place, comme le ELLE BRASIL avec sa couverture du mois de mai.
Crédit : ELLE BRASIL/Facebook
Aussi louable que puisse être cette tendance (en souhaitant que ce soit plus qu’une tendance), tout n’est pas aussi rose qu’on le pense.
Pour avoir une opinion de l’intérieur, j’ai rencontré une modèle taille plus qui travaille au Québec. Elle a préféré garder l’anonymat, alors on va l’appeler Bianca.
Des paramètres à ne pas excéder
« L’une des clauses de mon contrat dit que je dois rester pareille. Donc si je perds ou prends du poids, mon agence peut résilier mon contrat. » Bianca travaille comme mannequin taille plus pour une agence montréalaise. Sa courte et pourtant riche expérience lui permet d’affirmer que même pour le filon du taille plus, seul le modèle sablier prévaut : une poitrine généreuse, des hanches et des fesses à l’avenant et une taille fine, sans bourrelets, cellulite ou double menton.
Crédit : A. I. US ; Essas Meninas ; Info BR
Crédit : Style sprinter
Calvin Klein n’est pourtant pas le seul à avoir ce type de pratique. En ce sens, Bianca raconte qu’une compagnie de sous-vêtements avec qui elle travaille, et dont elle préfère taire le nom, préfère épaissir virtuellement sa taille, plutôt que d’engager une modèle qui s’apparenterait davantage à la clientèle-cible.
Des conséquences psychologiques
Le photoshopping des clichés s’opère souvent directement sur place, en studio, sous les yeux du mannequin. Celle-ci ne commente pas les retouches sur son physique : cela lui nuirait, l’agence et les créateurs l’engageant exclusivement pour son corps.
Crédit : Capture d'écran/Photoshopping real women into cover models/YouTube
Et c’est là que prend toute l’importance des #EffYourBeautyStandards et #CelebrateMySize. Car contrairement à la croyance populaire, le fait de se voir habillé, maquillé et mis en scène avantageusement ne donne pas automatiquement confiance en soi, et peut même provoquer l’effet contraire. « Depuis que je travaille comme modèle, accepter mon corps est devenu plus difficile. Si je n’aime pas les photos, c’est que je n’aime pas mon corps, donc je ne m’aime pas, point. Mon corps est un produit et cette perception me rentre dans la tête, inévitablement », explique Bianca.
Conclusion : même si la mode s’ouvre graduellement à d’autres modèles de corps, le mannequinat taille plus reste une profession fermée, où il reste difficile d’assumer son unicité. Ce n'est donc pas si différent du mannequinat traditionnel.
Une demande grandissante malgré tout
Même si elle réprouve la catégorisation du taille plus, Bianca ne perçoit pas cette tendance comme un feu de paille. Elle y voit plutôt les balbutiements d’un réel changement de cap.
Gary Dakin, relationniste de l’agence Ford Models, abonde en ce sens en mentionnant que les mannequins taille forte, autrefois payées 1 500 $, gagnent maintenant jusqu’à 25 000 $ par jour en travaillant pour d’importants magazines de mode tels Elle, Vogue et Glamour, ainsi que pour des créateurs comme Dolce & Gabbana ou Isaac Mizrahi. Il suffit de se pencher sur la carrière d’Ashley Graham, de Robyn Lawley ou de Justine LeGault pour saisir l’ampleur du phénomène.
Cependant, Bianca comprend qu’afficher ces modèles dérange encore, car le créateur recherche avant tout un cintre sur lequel exposer ses créations. Je ne suis certainement pas la seule à savoir qui est Tess Holiday, sans connaître les créateurs pour qui elle pose. Parce que c’est un fait : des courbes bien en chair attirent encore davantage l’attention que les créations qui les habillent.