Je ne me souviens pas d’un moment dans ma vie durant lequel je ne me suis pas trouvée grosse. Depuis que j’ai l’âge d’être consciente du fait que mon corps n’est pas juste un vaisseau pour mon identité, je le trouve trop gros et trop mou. Je ne sais pas combien d’heures j’ai passées à me regarder devant le miroir en étant profondément frustrée par ce que j’y voyais.
J'ai probablement fait ce geste 1 million de fois.
Crédit : giphy.com
Je me souviens très clairement de la première fois que j’ai voulu faire un régime : j’étais en 5e année du primaire et je trouvais mes cuisses trop grosses. J’étais dans mon lit à étages, avec ma sœur qui dormait juste en dessous, et j’ai décidé de ne plus manger de féculents. J’avais plus précisément en tête les petits pains de la cafétéria de mon école primaire. Pas besoin de préciser que ça a été un échec fulgurant.
Je me souviens aussi clairement des commentaires gentils et inoffensifs de mes parents, qui remarquaient l’impact de ma prépuberté sur mon corps. Je me souviens d’un garçon sur lequel j’avais un vraiment gros crush qui m’a dit : « Je sortirais avec toi si t’étais moins grosse ». Je me souviens avoir porté la même rotation de vêtement parce que je trouvais que c’était les seuls qui me faisaient bien. Je me souviens de mon père, qui, dans un accès de colère parce qu’on avait mangé juste avant le souper, a hurlé à ma petite sœur et moi qu’on était « limite obèses! ». Je me souviens aussi de mon ex qui, peu avant notre rupture, me disait qu’il vivait ma prise de poids comme un manque de respect envers lui et notre relation à tous les deux.
Mars 2012, alors que ma prise de poids mettait mon couple en danger.
Crédit : Jeanne Séguin
Je n’ai jamais été grosse. Pas, en tout cas, dans le sens d’un poids qui aurait mis ma santé en jeu. Je n’ai jamais été « limite obèse », ni eu à mettre les pieds dans une boutique de vêtements spécialisés. Je n’ai jamais non plus souffert d’anorexie ou de boulimie. Mais mon poids a varié souvent et jamais je n’ai réussi à être satisfaite du chiffre qui s’affichait sur la balance, ou de la taille des vêtements que j’achetais. Même à mon poids le plus bas (113 lb exactement), j’étais insatisfaite.
Moi, à 16 ans et à mon poids le plus bas.
Crédit : Jeanne Séguin
Ma relation avec la nourriture n’a jamais été optimale. Très jeune, au plus grand désespoir de mes parents, je refusais de m’alimenter. En vieillissant, je triais ma nourriture le temps qu’il fallait pour en retirer tous les aliments (la liste était longue) que je refusais de manger. Dans ma vie, le seul type de nourriture qui a toujours fait l’unanimité était le fast food… et le sucre. Pourtant, ma mère est cuisinière de profession. Elle cuisine comme Dieu et Ricardo mis ensemble. Je ne devrais pas aimer la malbouffe à ce point.
Une photo de voyage que j'ai croppée avant de la publier, parce que je trouvais que j'avais un gros cul.
Crédit : Jeanne Séguin
En octobre dernier, à l’aube de mes 22 ans, j’ai décidé que c’était assez. Que je ne passerais plus de longues minutes à observer mon corps sous tous ses angles avant de prendre ma douche pour voir si aujourd’hui c’était une journée « grosse » ou une bonne journée, aka une journée où je me trouvais OK. Que j’arrêterais de promouvoir de belles idées sur l’acceptation de soi en étant incapable d’appliquer ces valeurs à moi-même. Que j’arrêterais de haïr le corps magnifique que j’ai et que je commencerais à apprécier le fait que je suis en santé. Que j’arrêterais de me culpabiliser parce que je déteste le sport et parce que j’aime le pain et les frites.
Une photo pour un article que j'ai décidé de ne pas garder, parce que je trouvais que le chandail me donnait l'air « large ».
Crédit : Isabelle Junge
Pourquoi maintenant?
Parce que j’observe les mêmes obsessions sur ma magnifique petite sœur et que ça me brise le cœur. Je remarque que ma vision des choses a un impact sur elle et je refuse qu’elle vive elle aussi avec cette torture psychologique.
Parce que j’ai développé des insécurités vraiment malsaines liées au fait que je trouve l’ex de mon amoureux actuel plus mince que moi. Des insécurités qui commençaient à avoir un impact négatif sur ma relation avec le meilleur gars de la planète.
Parce que je sais que mon obsession n’est pas rationnelle et que ça me bouffe trop d’énergie.
C’est aussi parce qu’après mon dernier voyage, j’ai décidé de continuer à tenir un journal et que j’ai remarqué que mes humeurs étaient souvent liées à ma perception de mon corps et ça m’a agacée. Je refuse d’être une féministe, une femme accomplie et éduquée qui passe une mauvaise journée parce qu’elle se trouve grosse.
Parce qu’admettre qu’on a un problème, un vrai problème, c’est un premier pas vers la guérison.
Je ne vais pas changer du jour au lendemain une perception de moi-même qui a pris 22 ans à se construire, mais je me donne jusqu’à mes 25 ans pour être en paix avec mon corps, pour le trouver beau pour de vrai et dans toutes ses imperfections. Je me donne la même période de temps pour arrêter de commenter le corps des autres. Parce que je sais que dans le fond, je me critique toujours un peu moi-même à travers ça.
Maintenant, quand je regarde mon reflet dans le miroir et que mon insatisfaction pointe le bout de son nez je me donne le défi de trouver 3 choses que j’aime dans ma réflexion : la courbe délicate de mes épaules ou de mon nez, la forme de mes seins, mon nouveau tatouage, mon dos, ainsi de suite. Je veux apprendre à voir mon corps de façon plus positive.
Considérez-vous que vous avez une relation malsaine avec votre corps? Avez-vous déjà essayé d’y remédier?