Je dois avouer que j'ai hésité longtemps avant de commenter la saga autour de 2014 Revue et corrigée. Mes connaissances limitées en la matière m'ont empêchée de me prononcer sur le sujet. Je voulais attendre aussi que la poussière tombe un peu, histoire de prendre du recul et d'avoir une vue d'ensemble de la polémique.
Avant de nous lancer dans le cœur de mes incertitudes et interrogations, rappelons les faits.
La pièce Revue et corrigée jouée au Théâtre du Rideau Vert est un incontournable des fêtes. Elle offre une rétrospective humoristique de l'année, présentant les moments marquants de l'actualité. Cette année, dans un sketch, un des comédiens a personnifié PK Subban. Pour les besoins de la cause, il s'est maquillé le visage. Photo à l'appui.
La communauté Web a crié au blackface et la machine s'est enclenchée. Le tout est tombé un peu dans l'oubli durant les vacances pour refaire la une en début janvier. Pourquoi? Parce que Diversité Artistique Montréal (DAM) a écrit une lettre ouverte pour dénoncer l'utilisation du blackface. Lettre que j'ai d'ailleurs signée, mais on y reviendra.
Qu'est-ce que le blackface?
Selon notre ami Wiki : « Le blackface est une forme théâtrale pratiquée dans les minstrel shows, puis dans le vaudeville, dans lequel le comédien incarne une caricature stéréotypée de personne noire. »
Aux États-Unis, cette pratique faisait partie des spectacles comiques du XIXe et XXe siècle, dans lesquels des comédiens blancs imitaient les noirs dans le but évidemment de provoquer l'hilarité chez l'auditoire. Les représentations utilisant le blackface mêlent chansons comiques, danse et certains stéréotypes qui seraient au fil du temps attribués aux noirs : bouffon, paresseux, superstitieux, peureux, voleur, etc. ll est intiment lié au rapport de domination entre les blancs et les noirs et à l'esclavagisme. Pour comprendre l'histoire du blackface, je vous invite à lire ceci.
À la lumière de cette petite définition, on comprend d'emblée que ni Denise Filiatrault, ni les comédiens n'ont voulu offenser la communauté noire du Québec. Je doute fortement que ce fût un geste pensé et calculé. Par contre, la maladresse peut toutefois blesser et je crois sincèrement que le peuple noir est dans son droit d'en parler et d'ouvrir le débat sur la question. Voilà pourquoi j'ai signé moi aussi la lettre de DAM. Et même si certains s'acharnent à dire que cette culture du blackface n'existe pas au Québec et qu'elle est propre aux mœurs de nos voisins, je ne peux m'empêcher d'être solidaire à la douleur que le sketch a suscitée.
Ce que je déplore, c'est la tournure qu'a prise le débat. J'ai vraiment eu l'impression qu'en tant que société on tournait en rond contournant la réelle problématique. Et la cerise sur le sundae a été la sortie de Filiatrault qui a tout simplement déclaré en parlant de ladite lettre : « On n'en mettra plus, de noirs. D'abord, je vais vous dire une chose: je fais un rôle qui dure 12 secondes. Pensez-vous que j'aurais engagé un noir pour 12 secondes ? On n'a pas les moyens, on n'a pas de subventions; elles sont minimes […] »
Bonjour, l'ouverture au dialogue! Je ne sais pas pour vous, mais moi ça me rend un peu mal à l'aise. Que l'on trouve que la controverse soit allée trop loin, c'est une chose. Que l'on croie que les gens ont crié trop vite au racisme en est une autre. Que l'on se retrouve d'un bord ou l'autre de la table, cela ne change rien au fait que si nous refusons de communiquer, nous n'arriverons à rien.
Pour ma part, je suis d'avis que la problématique est ailleurs. Elle est peut-être dans cette histoire de subventions que souligne Filiatrault ou dans cette représentation des ethnies dans notre culture artistique.
No lo sé.
Ce que je sais avec certitude, c'est qu'une partie de la population québécoise s'est sentie trahie, que l'utilisation du blackface a encore aujourd'hui une forte connotation et est très présente dans leur imaginaire collectif. Il faudrait respecter ça et tenter de le comprendre.