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#JesuisCharlie et musulmane, mais…
Crédit: Pony / Gabrielle Laïla Tittley

J’ai beaucoup réfléchi avant d’écrire ces lignes. Je me suis même demandé si c’était pertinent que j’y ajoute mon grain de sel. Tout a été dit en si peu de temps – vive les réseaux sociaux – que le silence me semblait de mise. Or, impossible pour moi de rester muette devant un tel spectacle. 

J'ai vécu l'attentat en deux temps. Sous deux perspectives. Celle de la journaliste et celle de la musulmane.

D'un côté je suis pro #JesuisCharlie. Je déplore aussi tout ce sang versé. J'ai mal à ma liberté d'expression et je suis sans mot face à autant de violence à l'égard d'un métier, mais surtout d'un droit fondamental tel que celui-ci. Je ne vais pas m'étaler sur le concept, car d'autres que moi ayant de bien plus jolies plumes l'ont très bien fait hier, notamment Simon Jodoin. Par contre, ce que je peux rajouter c'est que cette liberté de parole j'en jouis #AllDayEveryDay. J'en ai fait mon métier. Je ne crée peut-être pas de vagues sur les réseaux sociaux avec mes écrits, mais je suis consciente d'être privilégiée de pouvoir m'exprimer sans craindre de me faire bâillonner. De pouvoir étaler mes opinions au grand jour, que se soit sur mes différentes tribunes ou sur mes plateformes personnelles est un droit que plusieurs à travers les quatre coins du globe cherchent encore à acquérir. Je vois en cet acte un affront oui, à la liberté, mais aussi à notre intellect et aux fondements mêmes de nos sociétés. C'est un affront à notre humanité. Le geste en lui-même est horrible, mais les répercussions que ce dernier a et aura dans le futur sur l'ensemble des sphères (sociales, politiques, culturelles) de notre monde le sont tout aussi. 

Par ailleurs, dans la foulée médiatique, des actants importants se sont prononcés pour dénoncer l'attentat, dont l'imam de Drancy : « Le dessin par le dessin, mais pas par le sang, pas par la haine. » Les mouvements #NotInMyName fusent de toutes parts et les messages de soutien via les réseaux sociaux pleuvent depuis hier matin. 

Crédit photo : @gb_artandphotography /Instagram
 

Vous le savez je suis la première à emboîter le pas. La première à changer sa photo de profil Facebook, à utiliser tel ou tel #hashtag de solidarité. J'ai défendu ce procédé à maintes reprises, ici même sur TPL, parce que j'aime penser naïvement que des mouvements de solidarité peuvent faire la différence, aussi minime soit-elle.

Or, hier à la vue du cirque médiatique qu'a entraîné la tragédie, j'ai atteint mon seuil de saturation. J'ai fait une overdose. C'est que, voyez-vous, la musulmane en moi éprouve un petit malaise devant cette vague de gens qui la somment de condamner ces attentats. Comme si cela n'allait pas de soi. Comme si tous les musulmans à travers le monde sont en accord avec la violence commise par les intégristes. On a brandi les sorties publiques des figures musulmanes comme des trophées. Vidéos, photos, citations, alouette. Fallait-il vraiment ces preuves pour convaincre la Terre entière que la communauté musulmane dans sa majorité se dissocie de tous les actes commis par les fanatiques?

No lo sé.

L'instrumentalisation de ces dénonciations sur les réseaux sociaux m'a laissé un goût amer dans la bouche. Parfois, je me demande où peuvent bien être passés le jugement et le discernement de la population mondiale.  

Nous sommes nombreux à travers le monde qui chaque jour dénonçons la violence des groupes religieux islamistes fanatiques. Peut-être que notre voix ne fait pas le poids, reste qu'elle est là. Et elle résonne. Il faut simplement l'écouter.

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