Il y a deux semaines, j'ai obtenu un remplacement en arts et lettres au collège de Rosemont. Quand j'ai su que je l'avais, j'ai sauté partout : maudit que je m'ennuyais d'enseigner!
Le soir, j'ai sorti la bouteille de blanc. Le lendemain, j'ai commencé à préparer mon premier cours.
Et là, pendant que j'annotais ma documentation, elle est revenue. La petite voix. La même qui me disait que je n'étais pas assez cool pour me faire de nouveaux amis quand j'ai changé d'école secondaire. La même qui murmurait que je ne serais jamais assez attirante pour qu'un gars s'intéresse à moi au cégep. La même qui traversait les nuits blanches, au début de mon doc, en martelant que je n'avais pas les ressources intellectuelles pour réussir. La même qui m'ordonne de m'excuser quand un inconnu inattentif m'accroche dans la rue. La même qui me fait reculer chaque fois qu'une discussion devient houleuse.
La evil twin de Jiminy Cricket. Ma copine depuis que je suis petite.
Elle est venue me souffler que je donnerais un cours confus et plate. Que les gens qui m'avaient sélectionnée à l'entrevue finiraient par se rendre compte de leur erreur. Que n'importe qui ferait mieux que moi. Que j'étais médiocre. Que je n'étais pas assez.
Ma première semaine s'est bien passée. Mais ce lundi, bam! Cours schmu. Il n'en fallait pas plus : j'ai passé la soirée à brailler en boule sur le divan du salon. Rien de ce que mon chum disait ne parvenait à me calmer. Chaque fois que je m'apaisais un peu, la petite voix chuchotait la même affaire.
« Regarde comme j'avais raison. » « Tes étudiants doivent donc ben rire de toi en ce moment! » « T'es de la marde. » «T'es bonne à rien. » « T'es une loser.»
Pourquoi j'ai autant de facilité à la croire, cette fucking petite voix? Pourquoi son avis passe toujours avant celui de mon amoureux, avant celui de mes amis? Pourquoi je trouve la possibilité d'être un échec tellement plausible?
Pourquoi je me fais si mal?
No sé.
Mais c'est crissement gossant.
Depuis peu, j'essaie des trucs anti-petite voix : dresser, tous les soirs, la liste de mes bons et de mes moins bon coups. Me donner des objectifs réalistes. Parler à des gens (pauvre petit chum). Faire des exercices de respiration. Lancer des affaires coussinées dans le mur. Me tenir droite (pour vrai!). Écrire.
Foncer pareil. Accepter le désagréable feeling d'imperfection.
Me répéter qu'il va venir, le jour où je ne m'excuserai plus d'exister auprès de tous ces gens fuuullll meilleurs que moi. Où je me donnerai le droit de commettre des erreurs sans me trouver complaisante. Où je pourrai me dire que je fais la job pis me prendre au sérieux. Où je n'écrirai plus de billet sur TPL avec une boule dans la gorge.
Où j'enverrai chier evil Jiminy avec assez de conviction pour qu'il prenne son trou.
Vivez-vous avec cette petite voix? Avez-vous des trucs pour la contrôler?