À la lumière des aveux #agressionnondénoncée qui inondent (enfin) les médias, j’ai décidé de partager moi aussi mon histoire. Ne t’inquiète pas maman, je n’ai pas été agressée, enfin pas au sens où les gens l'imaginent habituellement. Pas question de couteau à la gorge dans le fond d'une ruelle. J’ai plutôt envie de parler de ces amitiés entre garçons et filles, que nous pensons très chastes et innocentes, jusqu’à ce qu’un malencontreux événement se produise.
J’ai été chanceuse, dans mon histoire. Par contre, c'est passé proche.
Je ne l’ai pas cherché. Je n’étais pas habillée de façon provocante. J’étais seule avec un ami. Un ami avec qui j’avais déjà passé du temps seule, sans aucun problème, sans jamais entendre cette alarme interne qui te dit « j’pense qu’il veut fourrer pis toi tu veux pas ».
Ami. Un mot à retenir. Ce n’était pas un ami que je voyais souvent, sa vie un peu jet set de semi-vedette devenait très prenante et ma vie de jeune blogueuse-étudiante-aspirante-artiste était assez bookée aussi. Par contre, on partageait fréquemment des confidences. Des choses importantes que tu dis juste à des amis de confiance.
Lors d'une fin de soirée comme une autre, nous nous retrouvons chez lui. Nous avons pris un taxi ensemble parce que ça revient moins cher comme ça. On habitait dans le même coin perdu. Il m’a invitée un moment chez lui. J’ai accepté, je veux dire, c’était mon ami et ça faisait longtemps qu’on ne s’était pas vu.
J'avais bu et lui aussi.
On a fumé un peu de weed, on a parlé un peu de nos projets respectifs, de musique et d’art. Rien de soft sexu. Y'a jamais été question de ça entre nous.
Puis, bras autour des épaules, rapprochement sur le sofa et :
« J’ai vraiment le goût de te frencher. On frenche tu? »
J’ai dit non. J’ai ri. Je croyais qu’il niaisait.
Il a insisté. J’ai dit non. Par contre, il était rendu tard, j’avais bu et fumé. Dans ma tête j’étais ferme, mais dans mes mots je l’étais pas vraiment. J’étais fâchée et honteuse d’en être rendue là, dans un tel état, comme si parce que je suis une fille, je n’avais pas le droit de me le permettre. Je n'avais pas le droit de « courir le risque de… », même avec quelqu'un qui était supposément un ami.
Il a continué d’insister, j’ai abdiqué parce que j’étais tannée. Il m’a embrassée. J’ai ri de malaise.
« Men, tu vois que ça marche pas, t’es mon homie, t’es mon bro. On peut pas frencher. J’m’excuse. »
Mais lui pensait que oui. Et moi j’arrêtais pas de m’excuser de penser le contraire.
Il m’embrassait le cou, me flattait les cuisses, essayait de me convaincre que de coucher avec lui me ferait du bien, que ça me détendrait, qu’il ferait tout pour me faire plaisir. J’étais pas convaincue et pas convaincable.
J’arrivais à peine à croire que c’était en train de m’arriver.
Pendant ce temps-là, il continuait de tenter de me convaincre à coup de « mais mami t'es trop belle » et de « tu va voir ça va être sweet. »
Je disais plus rien. Je savais plus quoi dire, mais je savais qu’il fallait que je décrisse au plus vite. Et à cet instant précis, ça m'a fait de la peine, vraiment, de perdre cet ami.
Au même moment, il m’a regardée, pis j’ai vu quelque chose dans ses yeux. C'était peut-être de la tristesse. Il a dit « bon, j’pense qu’il faut que je t’appelle un taxi. »
J’ai dit oui et on ne s’est pas reparlé depuis.
En rentrant, j'ai cueilli des branches de lilas pour me convaincre que ça allait.
Le lendemain, j’ai raconté cette histoire au gars que je fréquentais. Il m’a dit que si j’avais été violée « au complet » par ce gars, il n’aurait plus voulu de moi.
J’ai arrêté de le voir lui, pis j’ai perdu un ami.
Un beau début d'été…