J’habite au Colorado. En déménageant aux États-Unis, je savais qu’il y aurait beaucoup de personnes/de politiciens avec qui je serais en désaccord. On le sait, les États-Unis sont beaucoup plus conservateurs que le Canada. En fait, même le Parti démocrate (celui d’Obama) est plus conservateur que le Parti conservateur du Canada!
Je me suis dit : « Bah, je n'entrerai pas dans des débats politiques avec les gens, je vais juste faire ma petite vie et faire attention à ce que je dis. De toute façon, ça va prendre plusieurs années avant que j’aie le droit de vote (je suis résidente permanente, pas citoyenne) ». Mais là, y’a des choses qui se passent, et je trouve ça vraiment frustrant d’être reléguée au rang de sous-citoyenne. Le Colorado est habituellement libéral : le pot est légal, le mariage gai aussi, et c'est plein de jeunes fous du plein air, du yoga, etc. En choisissant cet État, je me suis dit que j'étais à la bonne place. Sauf que le Colorado, c’est aussi l’endroit où les bals de pureté ont commencé. Pis là, y’a un nouvel amendement qui sera voté sous peu (Amendement 67, par ici), qui risque d’avoir un impact inimaginable sur les droits des femmes.
Cet amendement risque :
- d'interdire l’avortement (même en cas de viol);
- de limiter l’accès aux moyens de contraception tels que la pilule et le stérilet;
- de faire en sorte que les femmes qui vivent une fausse-couche ou une mortinaissance puissent faire l'objet d’une enquête criminelle pour homicide!
Quand j'ai vu ça, j'ai à peu près réagi comme ça :
Le mouvement de l'Amendement 67, aussi appelé Personhood, est né lorsqu’une femme de mon âge (28 ans) a été victime d’un accident de la route alors qu’elle était enceinte de 8 mois. Elle a perdu son bébé (qui était pratiquement prêt à naître) et n’a pas pu poursuivre l’homme qui l’a frappée et qui était en état d’ébriété, parce que le bébé n’était pas « né ».
Je peux à peine imaginer sa douleur physique et morale (il faut comprendre qu’aux États-Unis, il n’y a pas d’indemnisation pour les accidents de la route comme au Québec avec la SAAQ. Donc, les gens poursuivent). Je n’ai jamais été enceinte, mais j’imagine que lorsque tu es à quelques semaines d’accoucher, tu es pratiquement prête à accueillir ton bébé et tu l’aimes déjà énormément. J’aurais le goût de poursuivre aussi. Et peut-être de lancer un mouvement qui m’en donne le droit et qui donne des droits à mon bébé presque-né. FAIR.
Mais JAMAIS je ne voudrais que les droits d’un fœtus/presque bébé surpassent les droits d’une personne bien vivante qui participe à la société. Jamais je ne voudrais que cela enlève des droits à une personne qui s’est fait violer. Jamais je ne voudrais mettre en prison une future mère dévastée qui vient de perdre son bébé à la suite d'une fausse couche. Jamais je ne voudrais qu’une fille de 14 ans coure le risque de tomber enceinte et d'être obligée de mener la grossesse à terme peu importe sa décision, puisqu'elle n'a accès ni à la contraception, ni à l'avortement.
Ce projet de loi est censé « protéger » les fœtus. Cette vision est complètement déformée : si la mère victime de l’accident avait pu poursuivre son assaillant pour le décès de son bébé, en quoi cela aurait-il protégé son bébé? L'accident serait tout de même arrivé. Elle aurait seulement eu plus d’argent en compensation. Au détriment de quoi? Des droits de milliers d’autres femmes et filles enceintes ou en âge de l’être? Déguisé comme un mouvement altruiste, l’Amendement 67 est en fait une bataille égoïste pour apaiser une tristesse incommensurable qu’est la perte d’un futur enfant. Ce qui est fou, c’est que cette femme est prête à laisser la possibilité à d’autres femmes qui perdent leur enfant de se faire apaiser leur tristesse… en se faisant emprisonner.
Je ne peux pas voter, mais je peux combattre cet amendement par ici. Allez-vous le faire aussi? Le Québec est loin d’être parfait, mais, au moins, il n’y a pas d’Amendement 67. Amen.