Je suis très occupée. Beaucoup partagent mon train de vie. Université, travail, famille, amis. J’essaie tant bien que mal de tout concilier en organisant ma vie à l’aide de mon iPhone et de mon agenda. Je cours pour attraper le métro. Je suis ponctuelle et ça me stresse. J’arrive à l’heure à mes cours et à mon boulot. Je sacre après un autobus de la STM trop en avance ou trop en retard. Je peste contre mes amis toujours en retard. Je vis dans la peur perpétuelle de décevoir mes parents. Ou de me faire juger par ma grande sœur, mon modèle depuis toujours, pour un choix ou un autre. J’ai des sueurs froides à la simple idée d’avoir une mauvaise note à l’université ou de faire une connerie au bureau.
En parallèle, j’aime avoir du temps pour moi. Pour lire un livre confortablement dans mon lit ou sur un banc de parc. Lorsque j’ai du temps, je privilégie la marche pour rentrer chez moi ou aller en quelque part. Je suis une créature de lenteur dans un monde où tout va trop vite.
Bref, je dois être comme tout le monde.
C’est une grande dame qui m’a rappelé ce qui est essentiel dans la vie dans une entrevue avec Time Magazine. Et qui plus est, ce qui est important dans la vie sexuelle d’une personne. En effet, c’est la sexothérapeute Shirley Zussman qui a dû remettre les pendules à l’heure de bon nombre de « petits jeunes ». Probablement parce qu’elle vient tout juste d’avoir cent ans. Et aussi parce qu’elle en a vu, des changements dans le train de vie de la société. Et dans la vie sexuelle des gens à travers les générations.
La sexothérapie, elle en a appris les rouages avec Masters et Johnson, les fameux Masters of Sex. Doit-on être impressionnés? Plutôt, oui. Et le fait qu’elle continue de travailler est tout aussi impressionnant. Elle se garde en forme. Elle est stimulante et stimulée. À cent ans, je peux dire, sans la connaître, qu’elle est franchement allumée.
D’après Dr Zussman, le fait que nous sommes tous si terriblement occupés n’est pas bon pour notre vie sexuelle, et donc, par extension, néfaste pour notre vie en général. Le problème, c’est que ce besoin-obligation d’être constamment en activité draine notre énergie. Même en aimant profondément son partenaire et en adorant lui faire l’amour, la fatigue l’emporte trop souvent, déplore la sexothérapeute new-yorkaise en se rappelant d’une patiente.
Le rythme de vie effréné que nous menons joue lui aussi pour beaucoup. Nous voulons tout maintenant. Tout va trop vite.
La bonne dame ajoute également que nos téléphones intelligents et autres technologies ruinent nos chances de relation durable. En étant toujours sur nos téléphones, on oublie de toucher les gens qui nous entourent. De les regarder. De leur sourire. Dr Zussman a tellement raison que j’ai honte de mon attitude parfois trop 2.0.
Est-ce que mes relations précédentes ont foiré pour ces raisons? Peut-être.
J’étais célibataire depuis deux ans. Il y a eu quelques espoirs ici et là, mais rien de bien glorieux. Trop vite, trop techno et pas assez d’intérêt. Maintenant, je commence tout juste une relation et j’ai décidé d’y aller doucement dès le début. Dr Zussman est venue confirmer la justesse de mon geste. Le concept de hooking up ne m’a jamais vraiment plu. Consommer tout, tout de suite : une pression de partenaires précédents. J’ai voulu casser le moule et une sexothérapeute centenaire m’approuve sans me connaître.
Prendre le temps. De tomber amoureux. De se toucher. De se regarder dans les yeux. De s’embrasser, furtivement ou langoureusement. De discuter de ce que l’on aime ou pas. De prendre l’autre dans ses bras. De rire ensemble, côte à côte, dans un lit. De développer une intimité… et une relation. De faire l'amour lentement, au son de cette playlist. Ha.
“Because in the long run, sexual pleasure is just one part of what men and women want from each other. They want intimacy, they want closeness, they want understanding, they want fun, and they want someone who really cares about them beyond just going to bed with them.”
Crédits image : Oh No They Didn't!
J’accepte de commencer mes travaux à l’avance pour m’éviter un rush-crise de panique. Je choisis d’arriver plus tôt au travail pour avoir moins peur d’arriver en retard, ou mieux, j’accepte tout simplement que je ne peux pas toujours être parfaitement ponctuelle. J’accepte de laisser mon iPhone dans mon sac pour ne pas le regarder constamment. Je regarde les gens dans les yeux et la plupart détournent le regard. Je ris de cette réaction typique avec eux en les prenant par les épaules. Je rentre chez moi à pied, en tenant quelqu’un par la main. Quelqu’un avec qui je bâtis une intimité lentement, dans un monde qui tourne toujours aussi vite.
Au pire, je serai parfois fatiguée. Mais la bienveillante Shirley Zussman saura pourquoi.