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La mode québ’ est laitte, selon une fille de VICE

Un article paru cette semaine sur le site de VICE intitulé « Quebecois Women's Fashion : a marvel, a mystery » suscite de vives réactions chez les filles de Ton petit look, chez les défenseurs des créateurs québécois et peut-être même dans les chaumières canadiennes-françaises, qui sait.
 
Pour vous donner une idée du ton, l’article débute ainsi : « When I first moved to Montreal I was expecting to find sophistication and good taste like all the other assholes that move here. » et se termine de la sorte : « Ultimately, the francophone women of Eastern Canada seem to have an impressive grasp on not-caring about attracting anyone to their bodies but preschool children, hippies, and LARPers. » 
 
C’est que l’auteur de l’article en question, Kara Crabb, une Ontarienne vivant à Montréal depuis un certain temps pour étudier à Concordia, est profondément dégoutée par le style de certains créateurs québécois et de certaines boutiques de notre métropole. À un point tel qu’elle s’est dit : « Je vais épier les vitrines des boutiques que j’aime pas dans la ville (lire : sur Saint-Denis, entre Des Pins et Mont-Royal) pour les dénigrer sur un blogue ». Quelle belle réflexion sur la mode québécoise. Quelle belle visée anthropologique. Quelle pertinence. On en avait bien besoin.
 
Parce que, naturellement, tous les créateurs québécois font de la marde, ont pignon sur rue et roulent sur l’or. En dénigrer une poignée dont on n’aime pas le style aidera sans doute tout le monde.  
 
Avec plusieurs pointes de racisme envers les Québécoises francophones, l’implacable Crabb parle dans son article de la mode « patchwork », qui représente selon elle une tendance parmi les Montréalaises s'exprimant dans la langue de Molière. Vous savez, les vêtements un peu « hippie », les pantalons amples, les bjoux de type Namasté, les blousons asymétriques en lin, les châles, les trucs chiffonnés, etc. Elle appelle même cela « true Quebecois women’s fashion ». Oui, oui! Vous venez de l’apprendre : la ceinture fléchée vient de prendre le bord, tout comme votre petite robe Betina Lou ou votre sac Rachel F., mesdames.
 


Crédit photo : cdiscount.com

 
Oui, ce style existe. Oui, je trouve ça assez laitte merci et je crois même m'exprimer au nom de plusieurs. Non, je n’en suis pas la cliente cible. Je me demande parfois : « Pourquoi cela existe? Pour qui? », mais ma réflexion s’arrête là. Ce ne sont que des vêtements, après tout. Et chacun est bien libre de porter ce qu’il veut. C’est un style comme un autre, au même titre que le look de festivalière, le look de fille du Mile End, le look de fille qui s’en va jogger, le look corpo, les affaires de plein-air, les affaires de maternité, le style guédaille, le style yoga, le style blogueuse, le style déménagement, le style truckeuse, le gothique, le punk, le rockabilly, le trash, le noir, le blanc, le jaune, le beau, le laid, le style pas de style, le style genre comme tséveudire. Et j’ajouterais à ça : le café servi dans un fucking verre. Bref, les goûts, ça se discute toujours, mais pas en dénigrant ni en parlant à travers son chapeau.
 
C’est vrai qu’on retrouve une concentration de telles boutiques sur le Plateau et dans le Quartier latin. Mais est-ce représentatif de la mode québécoise et de ce que portent les Montréalaises? Et surtout : est-ce si dérangeant? Au point d’en vomir?
 


Crédit photo : lamazone-store.com
 

Certes, le « drapisme » (oui, j’avais déjà mon expression pour ce style), c’est laid. Quiconque me connaît sait que j’aime aussi en rire. Mais ce qui me dérange le plus de cet article, c’est l’association unilatérale de ce genre vestimentaire avec des femmes francophones montréalaises (et québécoises, peut-on comprendre), que Kara Crabb explique entre autres par « a resistance against anything typically anglophone or Americanized » et (là, je me suis vraiment étouffée) : « a historical appreciation or lack of progression from early French settlement ».  
 
Faire de telles inductions culturelles à propos d’un groupe ethnolinguistique, c’est complètement déplacé. Surtout pas à partir de vilaines observations vestimentaires.
 
Si la condition des femmes québécoises et ce qui l’a façonnée s’expliquait aussi bêtement, comme le fait Kara Crabb, on pourrait fermer toutes les universités, cesser toute publication, tout débat et toute réflexion. Bref, on pourrait fermer notre gueule à tout jamais et cesser d’exister.
 


Crédit photo : lapresse.com

 
Quelques remarques :
 
-Quand je pense à des créateurs québécois, je ne pense pas à une boutique ésotérique, mais bien à des affaires fucking belles comme Barilà, Eve Gravel, Atelier B., This Ilk, Woolfell, Betina Lou, Josiane Perron, Travis Taddeo ou Mélissa Nepton, pour ne nommer que ceux-ci. TPL s’efforce d’ailleurs de les mettre de l’avant. Crabb le mentionne rapidement en début d’article, mais on s’entend que sa « réflexion », aussi drôle soit-elle, est loin d’être reluisante pour la mode québécoise, d’autant plus que son article semble s’adresser à des lecteurs du ROC. Pourquoi être si négative?


Crédit photo : melissanepton.com

-Si des dames et des jeunes femmes veulent s’habiller comme ça, tant mieux pour elles. On n’est pas là pour dire aux gens quoi faire. Si des vêtements, beaux ou laids, les interpellent grâce à la mention « créateurs d’ici », tant mieux. Il n’y a strictement rien de mal à ça. Le « style » ou la « mode », ça peut avoir plusieurs aspects, que ça nous plaise ou non. Ça n’a pas non plus la même importance pour toutes. Ce ne sont pas toutes les femmes qui veulent avoir l’air d’une Parisienne, d’une hipster ou d’une blogueuse mode, appelez ça comme vous voulez. D’ailleurs si tout le monde était pareil… ben y’en aurait pas, de blogues de mode.
 
-Je remarque aussi que son « Montréal de la mode » se résume à la rue Saint-Denis…#géographie. Pssst : y’a aussi des boutiques ailleurs, ma belle Kara.
 
-Ma fille, soit ben prudente quand tu fais des généralisations. Même les rondes et les lesbiennes y passent, par la bande. Cibole. C’est assez de base, il me semble.
 
-Un autre conseil à Mrs Crabb : évite de voyager. Tes yeux vont saigner. Pas mal plus que sur le Plateau. J’ai vu des (jeunes) femmes foutrement mal habillées à Brooklyn, Paris, Ottawa, Vancouver, Amsterdam, en Russie, etc. Et j’en ai vu des super-stylées à Moncton, à Gaspé ou à Rouyn-Noranda. Je n’écrirai pas à ce sujet. À quoi bon?
 
-Bonus : c’est Cirque du Soleil, pas Soliel. 😉
 
Parmi les lecteurs de Vice, les réactions sont partagées mais bien vives.
 
Notre Josiane Stratis nationale défend nos créateurs :


 
Des francophones s’indignent :


 
Alors que des anglophones ne sont pas d’accord avec le propos de Crabb:
 

La belle Ashley Sivil, montréalaise bilingue, collabo sur TPLmag et spécialiste de la mode (la fille a quand même fait une maîtrise sur les blogues modes, tsé) ajoute son grain de sel : 

Tiens donc, une élue, la conseillère d’arrondissement Christine Gosselin (du Plateau-Mont-Royal!), se met de la partie:
 

Mme Gosselin, peu importe vos goûts vestimentaires, vous devriez peut-être défendre les propriétaires de boutiques qui paient loyers et taxes dans votre arrondissement, plutôt que de participer à ce genre de bashing qui ne mène à rien.

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