Aller au contenu
#FEMEN : des totons, des diamants, du vide et un gros facepalm!

 

Le dernier édito du photographe Fred Meylan, réalisé pour le compte du magazine Citizen K et dans lequel il s’inspire des FEMEN pour promouvoir des bijoux haute gamme, est la chose la plus conne qu’il m’ait été donné de voir depuis longtemps.

Meylan, sans génie notoire, semble en effet avoir jugé approprié de mettre en scène un « luxury riot », dans lequel des amazones décharnées et torse nu se font rudoyer par des policiers, tout en arborant négligemment des créations de Cartier et de Fabergé.

Des pitounes, des postures de soumission et de jolis petits tétons roses et rebondis, le tout pour mettre de l’avant des asties de gros blings.

C’est évidemment d’une indécence sémiotique troublante. Et on aurait difficilement pu imaginer meilleur compte rendu illustré du mécanisme d’oppression de la femme dans les sociétés occidentales, et de ses liens étroits avec la logique capitaliste.

Par ailleurs, et c’est ce qui m’intéresse aujourd’hui, cet édito démontre avant tout l’échec cuisant de FEMEN, comme mouvement à vocation émancipatoire.

En ce sens, je dois avouer que je suis bien contente de cette cochonnerie d’édito, parce que j’ai une sérieuse dent contre les FEMEN.

Déjà, elles ont largement été critiquées à travers le monde pour leurs tendances ethnocentriques, colonialistes et hégémoniques un peu douteuses. Particulièrement dans le monde musulman, leur approche idéologique du one size fits all déplait à la gent féminine; insultée de se voir imposer une notion univoque simpliste de la « liberté » et de la « vertu », à la sauce occidentale. Mécontentement fort légitime.

Sauf que même à l’échelle occidentale, justement, la rhétorique FEMEN me semble défaillante; si ce n’est pas foncièrement vide. À mon avis, les FEMEN mènent une lutte très mal avisée, qui n’a rien du féminisme radical dont elles se réclament.

Elles font du bruit, elles foutent la merde; bien. J’aime le désordre. Toujours est-il que sur le fond, elles ne se distancient jamais vraiment des processus d’objectisation et d’oppression de la femme qui ont cours dans les sociétés dites « avancées ».

Au sein de ces sociétés, le corps féminin est souvent appréhendé comme un véhicule utile pour atteindre des objectifs marchands. Principalement, il sert à la réalisation d’un profit, ou alors à l’incarnation/diffusion de certains messages, par exemple. Que la cause ou le profit soient nobles ou pas, dans tous les cas : on s’attend généralement à ce que les femmes acceptent qu’on instrumentalise et marchande leur corps.

Ainsi, le corps féminin est constamment soumis à de multiples injonctions utilitaristes. C’est comme si on lui refusait son statut de fin en soi. Sans cesse, il doit correspondre à des critères intransigeants, qui varient selon les circonstances, afin d’être le médiateur adéquat dans la quête d’une cible X. Une pression critériée sans relâche.

Or, cela constitue à mon sens une forme de violence systémique délétère, qu’on accepte pourtant sans trop rechigner, la plupart du temps…

Et les FEMEN, elles ne font que perpétuer ces schèmes en utilisant leur corps nu comme porte-étendard, et son pouvoir de subversion/attraction comme levier médiatique. En faisant de la nudité la pierre angulaire de leur action, elles attestent et valident le caractère sexué, choquant mais redoutablement alléchant des corps féminins dévoilés.

Elles font en fait précisément ce que le patriarcat (qu’elles prétendent combattre) leur inculque : elles s’agitent à l’intérieur de balises bien fixées par un langage et des procédés imposés. Le sexe, la sensation, la révolte glam…

Elles se targuent de « jouer sur les codes », mais elles ne font en fait que les reproduire et les alimenter, sans jamais les dépasser. Elles gueulent, foutent le feu, écrivent « fuck toute » un peu partout. Mais surtout : elles se font voir et elles font parler. Bien juteuses, pour les médias, les FEMEN. Taillées sur mesure, croirait-on!

Eh bien justement. Cette manière qu’elles ont de se coller aux règles d’or d’un stunt réussi ou d’une publicité efficace annihile la portée de leurs actions. Il manque cruellement à FEMEN une réelle volonté de transgression.

Mais à défaut d’avoir une réflexion lucide sur leurs pratiques, elles se condamnent inexorablement à subir des récupérations en tous genres et, ultimement, à être ravalées par le cadre normatif de la société civile et du marché. L’édito de Meylan en est la meilleure démonstration.

Et le plus curieux dans tout ça, c’est qu’elles s’entêtent à condamner, dans leur discours, ceux qui se montrent le plus outrés par leurs corps et leurs actions. Mais pourtant, le réel problème m’apparaît clairement être ceux qui, au contraire, accueillent les FEMEN avec une relative indifférence ou pire, avec un certain amusement libidineux.

La valeur marchande du corps féminin, elle n’est pas fixée par la hargne des catho et des réac’, mais bien par notre acceptation molle de l’instrumentalisation des stéréotypes sexuels et genrés. Ça, il serait temps qu’on en prenne acte. Et les FEMEN aussi.

Plus de contenu