Je vous entends déjà ricaner devant la complaisance et de la futilité du propos.
Samedi, j’ai célébré mon 20e anniversaire. Un vingtième bien tardif, me direz-vous – dans le meilleur des cas. « WTF, VINGT!? » est cependant ce qu’on m’a servi le plus souvent. Eh oui, c’est tout bête, 20 ans. Et c’est là s’ancre le noeud de l’affaire.
Qu’on se le dise, avoir 20 ans est d’un ridicule consommé. Il s’agit à mon sens d’un entre-deux-âges empreint de malaise, alors qu’on ne saurait témoigner d’une maturité basée sur de l’expérience tangible, mais qu’on n’a plus pour autant la naïveté de le prétendre. Alors on demeure pantois, tout nu, tout croche. C’est le no man’s land de l’expérience du réel/vécu.
C’est l’âge du paradoxe et des doubles-écueils inévitables. Trop jeune pour être crédible, mais trop vieux pour être inconséquent impunément. Trop jeunes pour les Projets, trop vieux pour les foutre en l’air. Trop jeunes pour le sérieux, trop vieux pour s’en foutre. Il s’agit d’un espèce de flottement dans un non-lieu de l’Ambition. Comme un flou temporel qui nous disculpe de futilité, mais sans vraiment le faire. Certains y ont vu un âge gracié de tous tourments, alors que la chair est vive et l’esprit vaguement effleuré par les soucis du quotidien. Du moins à ce qu’on voudrait nous faire croire. On caresse l’atteinte des vingt ans avec envie, et on y réfère par la suite avec nostalgie pour le restant de ses jours, l’envie se décuplant au fil des années. Mais la magie opère-t-elle vraiment au cours de ladite année? Comme si l’euphorie de l’âtre de la vingtaine se vivait davantage a priori/posteriori qu’en temps réel.
Conséquemment, apparaît ce que j’ai appelé la « pression du mythique ». Vraisemblablement, les attentes quant aux joies de la jeune vingtaine sont supérieures à celles qui accompagnent n’importe quel autre tranche d’âge; ne serait-ce qu’à cause des maximes et autres tics langagiers évoquant la vingtaine comme un âge béni. « Ne plus avoir 20 ans », « se sentir comme à 20 ans » et autres allusions illusoires. Devrais-je porter un souci particulier à l’exaltation de ma vingtaine? J’veux dire… Faut-tu que je vire hystérique de bonheur pour le seul fait d’avoir vingt ans, faute de quoi je le regretterais? Et au nom de quoi?
C’est qu’il faut rester prudent, j’imagine. Comme le chantait encore Léo Ferré, « Pour tout bagage on a 20 ans… »
Autre constat agaçant: cette manie de référer sans cesse à la chanson de Charles Aznavour « Hier encore » comme une ode à la vingtaine. Personnellement, j’ai toujours décelé dans cette chanson plus de tristesse et de regrets que de douce mélancolie!
J’ai fait tant de projets qui sont restés en l’air
J’ai fondé tant d’espoirs qui se sont envolés
Que je reste perdu, ne sachant où aller
Mes yeux cherchant le ciel mais le coeur mis en terre
Oh là! C’est moi ou il admet carrément regretter le temps qu’il a gaspillé comme un con, bien plus qu’il se remémore une époque grandiose de par son innocence !? Je le perçois comme ça. « Hier encore, j’étais con comme la lune, je ne comprenais rien à rien et je ne faisais qu’à ma tête ». Et on est tous bernés par les violons.
Je gaspillais le temps en voulant l’arrêter
Et pour le retenir, même le devancer,
Je n’ai fait que courir et me suis essouflé
BAH VOILÀ, on comprend rien, à vingt ans. Alors pourquoi tout cet engouement? Qu’on me l’explique. Je suis probablement trop jeune pour comprendre, AH!
Et pourtant. Malgré toutes mes plates réflexions sur cet âge insignifiant qui m’emmerde fichtrement, j’ai trouvé le moyen de fêter plus qu’à mon tour mon passage dans la vingtaine.
Parce qu’à vingt ans, c’est drôle de se dire qu’on a vingt ans et qu’on boit du vin sur un toit d’Hochelag à 8h AM; c’est drôle de se faire souhaiter bonne fête dans l’hystérie la plus assumée. C’est drôle de danser sur sa tête. C’est drôle de se laisser embrasser, en secret.
Puis c’est drôle de se réveiller et de ne plus s’en souvenir;
de vomir, de jurer qu’on ne boira plus, puis d’ouvrir du champagne le lendemain encore, à 2h30 du matin;
c’est drôle de se laisser berner, aussi. Comme si des coeurs on en avait mille.
Eh puis finalement, c’est n’est peut-être pas si moche que ça. Je me prêterai donc au jeu de l’insipide vingtaine, s’il en va ainsi.
Comme on me l’a dit récemment et fort à-propos: « Tu es un peu une activiste intellectuelle dans 34 ans enfermée dans un corps de jeune étudiante ». On en prend et on en laisse, mais la comparaison m’a fait sourire. Mais tant pis: je vais jouer à la princesse hystérique. On est tous prisonnier de sa condition, après-tout!
Allez, j’ai du boulot à rattraper.