Hier après-midi, je suis allée au bal. Non, beaucoup plus excitant: hier après-midi, je suis allée au prom. Ça fait encore plus American Dream. Câétait le festival du tulle, du voile, du spraynet et du talon ultra-haut bon marché. Chose certaine : BCBG fait annuellement une fortune sur le dos des jeunes collégiennes des banlieues montréalaises cossues. Mais là nâest pas le point. Hier, les flashback étaient au rendez-vous. Je me revoyais, dans ma robe longue de chez longue en soie noire, avec son bustier orné dâune gigantesque boucle en crépon crème, mes cheveux remontés en french twist et mon cavalier vraiment trop viril du haut de ses 16 ans et je me disais : tout cette argent-là dépensé pour un après-midi tout bête. Une recherche esthétique mijotée depuis 6 mois. Genre, la seule période dans ma vie où jâai fait attention de bien cerner les tendances pour être certaine dâêtre ben sâa coche le soir du bal, TSÉ!

Bon. Là, je rigole, mais tout ça mâa portée à réfléchir sur lâimportance du décorum pour marquer les étapes importantes de notre existence. Je ne sais pas si je suis la seule de cet avis, mais il y a quelque chose de nécessaire dans le fait de souligner les étapes cruciales du « parcours humain » par des rites de passage commandés par un décorum bien défini. Et évidemment, le décorum â du moins selon moi â passe en grande partie par le souci du vêtement. Je veux dire, la queue de pie nâest pas un apparat futile quand il sâagit de marquer lâouverture en grande pompe dâun nouvel opéra symphonique; une tenue de gala se doit dâêtre à la fine pointe de la mode de lâheure pour appuyer lâaspect « actuel » de lâévènement en cours. La mode, en quelque sorte, sanctionne la symbolique des choses. Dans cette optique-là, on comprend mieux le souci et lâeffort qui peuvent être accordés à la tenue vestimentaire. De quoi donner envie de remarquer un ourlet bien cousu, ou une dentelle finement confectionnée, vraiment!

Au-delà de ça, lâimportance accordée au vêtement peut sâavérer carrément salutaire en des temps plus difficiles. Avez-vous déjà observé les vidéos super vintage des soupes populaires new-yorkaises au temps de la crise de 1929? Les hommes et les femmes avaient tous la dalle et les angoisses gravés dans le front, mais pourtant, ils sont tous en robes et en complet, leurs jupons bien blanchis, leurs chapeaux bien enfoncés. On sâhabillait avec un grand H pour aller faire la file au bureau de chômage. Et pourquoi? Parce que, mine de rien, en habit on peut ignorer la misère, le temps dâun instant.

Quand on a lâestomac creux, ça fait du bien de se rappeler quâon a toujours une dignité, en repassant soigneusement le faux-plis de son pantalon. Câest un peu le même principe que celui des détenus des camps de concentration nazis qui, à table, simulaient la présence dâune « dame » afin de se forcer à adopter des manières de banquet, même dans les circonstances les plus épouvantables. Apparemment, plusieurs y trouvaient leur salut. Compréhensible, après-tout.

Bref, tout ça pour dire que si lâhabit ne fait pas le moine, au moins, il donne une motivation pour tendre à le devenir, tiens… ah! Le style et la distinction ne sont pas de simples fins en soi, elles servent quelque chose de plus grand, de plus important. La preuve en a été faite maintes fois dans lâhistoire, alors que lâapparence est souvent une chose quâon essaie de sauver des flots le plus longtemps possible! Probablement que si la mode nâavait été quâune simple histoire dâesthétique, lâhumanité sâen serait détourné bien avant.
Sur ce, je vais aller profiter de la Saint-Jean que je fête terriblement peu en ce moment. Habillée de bleu même. Allez.