Le 17 juillet 2017 est une date gravée dans mon âme. C’est la journée où j’ai failli disparaître à tout jamais. Cette journée aura été une culmination des trois dernières années qui venaient de passer. Trois années où j’ai tenté de tenir sur mes épaules un trop-plein de choses que j’ai laissé m’écraser sans jamais une fois crier à l’aide. Trois années où j’ai fait semblant d’aller bien afin de supporter tout ce qui m’entourait. Trois ans où j’aurais peut-être dû arrêter un moment pour vivre mon mal afin de mieux avancer.
Trois ans avant cette date, je découvrais que mon frère avait un problème de dépendance à une drogue dure. À ce même moment, je devenais codépendante, avec ma sœur et mes parents. Nous avons passé tellement de temps et d’énergie à tenter de l’aider. J’ai aussi passé mon temps à être là pour mes parents.
Puis, pas longtemps après, je perdais un être qui m’était tellement cher. Mon Papi. Ce fut un énorme spasme dans ma famille proche et éloignée, un 8 sur l’échelle de Richter. Ça en a pris beaucoup pour que les gens autour de moi puissent en revenir. Ça m’a tiré beaucoup de jus. Puis, durant ce même moment, je finissais mon bac. Rien, jamais, n’allait se mettre entre moi et ma réussite, ni mon frère ni mon deuil. J’ai continué à peu dormir, à peu me reposer, à peu vivre afin de finir mes études à coups de A+, en plus de faire partie de l’exécutif de l’association étudiante, de travailler et d’être là pour mon entourage. C’est là que mes crises d’anxiété se sont mises à revenir, doucement, comme un cauchemar trop confortable qu’on a oublié. Elles étaient douces au début, pas trop envahissantes, ni destructives. Surtout, je n’en parlais à personne, alors elles ne devaient certainement pas exister.
J’ai obtenu mon diplôme, et un mois plus tard, je commençais ma carrière.
Puis, j’ai quitté le nid familial trop vite, parce que la situation avec mon frère me pourrissait l’existence. Ainsi, je suis partie dans mon chez-moi avec mon chat sous le bras, ma voiture nouvellement achetée, ma dette étudiante de 25 000 $ et mon anxiété, mais hé, j’avais mon diplôme avec mention honorifique dessus.
Quelques mois plus tard, j'étais avec l’amour de ma vie. Tranquillement, il m’a appris que j’avais le droit de ne pas toujours être forte et que c’était correct de s’effondrer pour mieux se relever. Mes murs ont commencé à se décomposer, mais mon anxiété a pris cette opportunité pour s’installer profondément. Ses racines tentaculaires s’en prenaient à moi un peu plus chaque jour, mais je ne me rendais pas encore compte du problème.
Dans le creux de l’hiver, j'ai perdu ma Mamie, la dernière de mes grands-parents. Ce séisme fut un 10 sur l’échelle de Richter. La famille de mon père a éclaté et ça a affecté tout le monde. Le deuil a été teinté d’amertume, et donc mal géré. Mon frère n'allait toujours pas mieux. Mon anxiété se faisait de plus en plus présente. Ça affectait mes relations avec mes ami.e.s, avec mon copain et avec ma famille. Pourtant, j'ai continué de garder le maximum que je pouvais en dedans, parce que de dire que je n'allais pas bien, c’était avoir l’air faible.
Arrive juillet 2017, mon copain quitte pour une semaine en Europe. Je suis seule avec ma tête, aucune distraction, rien. Mon bouclier est parti, l’anxiété saisit la chance de prendre toute la place. Je pense que chaque jour, l’anxiété est dans chaque parcelle de ma personne ; toutes mes actions sont teintées d’anxiété et une petite voix que seule moi peux entendre ne cesse de parler.
Le 17 juillet 2017, je me prépare pour aller voir Queen et Adam Lambert avec mon frère. Soudainement, seule dans ma cuisine, je suis aveuglée par l'anxiété. La voix prend toute la place dans ma tête, elle résonne et hurle. Mon corps est sous l’emprise de tremblements et de picotements incessants. Je n’arrive plus à respirer, mon cœur va exploser, mais surtout, je dois taire cette voix dans ma tête. Je réalise que c’est ma voix ; je me parle à voix haute. Ça doit arrêter, je dois faire taire cette voix, moi. J’empoigne un couteau et je suis prête à me faire taire juste un instant, sans me rendre compte que ce que ce geste me fairait taire à jamais. J’allais disparaître et n’être qu’un souvenir. Mon frère m’appelle en même temps et je réponds pour lui dire que je ne viendrai pas au concert, que j’ai un couteau, et je raccroche.
Je pense qu’il a envoyé la cavalerie vers moi. Mon téléphone s’est mis à sonner de tout bord tout côté. J’ai répondu à une des deux seules personnes à qui j’aurais répondu. J’ai réussi à déposer le couteau après m’être blessée consciemment avec, mais rien qui allait me faire disparaître.
Quand je repense à cette journée, j’ai un goût amer dans la bouche, mais aussi une pointe d’espoir. J’avais besoin de briser, d’atteindre le fond, pour mieux guérir. Ce ne fut pas facile, mais entourée de mon fiancé, de ma meilleure amie et de ma famille extraordinaire, j’ai pu mettre des mots sur mon mal. J’ai aussi appris que tomber ne veut pas dire que je suis faible, mais plutôt qu’il y a tellement de force dans le geste d'accepter d’être vulnérable pour son bien-être. J’ai réalisé que j’aimais ma vie, mais que mon anxiété prenait tellement toute la place que mon cerveau a tenté de trouver le moyen de s’en libérer. J’ai aussi réalisé la chance que j’ai d’avoir ces gens dans ma vie. Ils ont été tellement patients et parfaits, ils m’ont aidée profondément dans ma guérison et le font encore.
Enfin, il est important de déstigmatiser les troubles mentaux. C’est pourquoi j’ai décidé de publier ce texte publiquement et non anonymement. Cette journée fait partie de moi pour toujours et mon anxiété aussi. C’est important d’en parler et d’écouter sans jugement. J’en aurais sûrement parlé plus tôt si je n’avais pas eu aussi honte, et peut-être que le 17 juillet 2017 se serait passé autrement.
Je guéris encore, tranquillement, mais sûrement. Je n’ai plus honte de demander de l’aide quand il faut, parce que les gens qui comptent seront toujours là.
N'hésitez pas à demander de l'aide, voici une liste de ressources pour s'en sortir.