Ça fait 7 ans que mon travail c’est Ton petit look. Ça fait 5 ans que c’est mon travail à temps plein. Carolane et moi, nous avons été les premières blogueuses de mode à faire de notre job un travail à temps plein. Pas de petits boulots à droite et à gauche, juste ça. Ça fait donc 5 ans que je gagne ma vie exclusivement de même, à produire du contenu pis à gérer deux sites Internet avec notre partenaire d’affaires, Obox Média. On a gagné pas mal de prix pour nos sites aussi, au fil des années.
J’ai étudié en commercialisation de la mode. J’ai aussi fait mon bacc en animation et recherche culturelle, la scolarité d’une maîtrise en comm, et il me reste deux cours pour finir mon DESS en journalisme. J’ai mis sur pied un site Internet qui a souvent dépassé en termes de statistiques un paquet d’autres sites roulés par des pas mal plus grosses machines que notre petite équipe.
J’ai écrit plus de 2 000 textes sur Ton petit look, pas tous signés à mon nom parce que j’ai eu plus souvent qu’à mon tour des menaces et des réprimandes violentes pour des choses aussi insignifiantes qu'un top 5. Je suis aussi la personne qui a écrit le plus de textes sur chacun des sites dont je m’occupe. J’ai souvent passé des nuits à écrire du contenu parce qu’on était en rush.
J'ai fondé et mis sur pied un site collaboratif avec ma sœur jumelle, qui est en dépression depuis presque le début de notre aventure. J’ai jonglé (et elle aussi) avec des tâches de plus de 40 heures par semaine depuis 6 ans, avec des cours à l’université, des petites jobines et des contrats par-ci par-là. J’ai aussi eu un enfant au travers de ça, Carolane en a eu deux. Et on a pas eu de congé de maternité du tout. À toutes les fois. J’ai continué de travailler le lendemain de mon avortement. J’ai continué de produire du contenu aussi même quand je pensais craquer. J’ai eu des menaces de mort. J’ai eu des menaces de viol. Je me suis fait dire des affaires dégueulasses. Au travers de ça, j’ai arrêté de parler à mes parents pour les laisser gérer leurs démons. J’ai dû repayer des dettes qui ne me revenaient pas.
Rien de plus spécial que quiconque.
On a écrit deux livres, le premier en un mois, le deuxième en deux mois. Le premier s’est vendu à plus de 10 000 copies. Sans avoir une présence médiatique plus grande que d’autres.
Je produis du contenu qui peut être lu gratuitement depuis 9 ans. J’ai fait deux ans sur un autre site avant de vouloir prendre la parole à mon tour. Avec le temps, j’ai collaboré avec des centaines de personnes qui se sont créé des sites, trouvé des emplois parce que j’ai toujours pris de mon temps pour dire que leur travail était excellent avec nous. J’ai partagé des affaires vraiment personnelles de ma vie. J’ai pris la parole pour parler d’enjeux toutes les fois que j’ai pu.
Pis encore aujourd’hui, on décrit ma job comme la pire des choses qui soit arrivée à Internet (pas mon nouveau chien). Encore aujourd’hui, on présente les influenceurs comme les pires des mardes qui existent parce qu’ils vendent de temps en temps des partenariats avec des marques. Encore aujourd’hui, et parce que je me cherchais une job lors de la dernière crise économique et que j'ai décidé de m'en créer une, on parle des blogueurs, des influenceurs et des instagrammeurs ou whatever le nom qu'on leur donne comme du cancer de notre époque.
Pis mon doux que ça gosse. Sérieusement. Mon doux que c’est tannant.
Je dois souvent m’arrêter après tout ce que je lis sur le fait que les influenceurs sont les pires personnes de notre époque pour me dire que je le sais que je suis pas de la marde. Que je me couche chaque soir et que je dors sur mes deux oreilles. Que je suis toujours disponible pour aider les gens qui me suivent et répondre à leurs questions. Que j’ai souvent aidé des gens à aller se chercher de l’aide parce que j’ai appris à connaître les ressources à force de gérer des crises. Que je suis pas plus conne qu’une autre (en fait, j’ai un DX pour le prouver). Que ce que je fais, ça permet à bien des gens de sortir de leur isolement. Qu’on a pris la parole il y a 7 ans parce que personne ne nous la donnait. Que je le sais que je fais des affaires comme il s’en fait sous beaucoup d’autres formes (magazines, journaux, personnalités publiques). Qu’il y a beaucoup de ces critiques qui sont en fait de la misogynie crasse. Que ce n’est pas parce que je m’expose sur Internet que ça donne le droit de m’envoyer chier. Qu’Internet c’était peut-être mieux avant, je ne sais pas.
Que les gens nous suivent sûrement parce que ça leur parle, nos affaires.
Que peu importe ce que j’aurais fait, on aurait chialé.
Que je n’ai pas besoin de lire l’opinion des autres.
Qu’un jour les gens vont comprendre.
Qu’on est valables. Pas seulement monétairement, mais aussi parce qu’on a un purpose.
Que je peux encore signer des textes sans avoir peur de me faire ramasser.
Que le changement, ça fait peur surtout à ceux qui ont le pouvoir.
Et que si on était si pires que ça, moi pis mes ami.e.s qui font de l’Internet, il n’y aurait pas un aussi grand désintérêt pour les grands médias, pour la télé, pour les canaux ~ordinaires~ de l’information.
Qu’on ne peut pas plaire à tout le monde.