J’ai toujours aimé aller à l’école. J’étais cette enfant qui était abonnée aux Petits Débrouillards et cette ado qui faisait partie du club scientifique de son école. Je m’en foutais si ce n’était « pas cool » que je traîne aussi souvent à la bibliothèque, c’était pour moi un des seuls lieux où je me sentais vraiment bien, où j’avais l’impression de pouvoir être moi-même.
Toutefois, si j’ai toujours aimé apprendre, j’ai aussi toujours eu un malaise avec la proximité profs-élèves. Au secondaire, j’avais appris qu’il fallait s’adresser aux enseignant.e.s par leur nom de famille et les vouvoyer — c’était une règle de l’école qui imposait une distance claire. J’étais assez surprise lorsque je suis arrivée au Cégep et que les profs se faisaient tutoyer et appeler par leur prénom : jamais je n’aurais « osé » être aussi amicale avec une personne qui, dans ma tête, détenait un savoir incroyable.
À l’université, cette proximité prof-étudiant s’est effacée : dans des amphithéâtres bondés, il n’y a pas vraiment de place à la camaraderie. J’ai retrouvé l’ambiance qui me sécurisait, celle d’un cours magistral dans lequel le ou la prof parle et les étudiant.e.s écoutent. Durant tout mon bac, je suis allée à mes cours, j’ai pris des notes et j’ai passé mes examens sans presque jamais adresser la parole à un.e prof. Leur savoir m’intimidait alors je limitais au maximum mes interactions avec elleux.
Sauf que plus j’avance dans mon parcours universitaire, plus je suis tenue d’entretenir des relations professionnelles et amicales avec des professeur.e.s. pour, par exemple, obtenir des contrats de travail, avoir des lettres de recommandation, me trouver un.e directeur.trice de maîtrise, etc.
Le problème, c’est que je n’arrive pas à être naturelle dans cette relation où les frontières entre professionnalisme et amicalité sont souvent brouillées. Je me sens toujours inadéquate et mal à l’aise quand mon directeur de maîtrise commence une conversation plus casual. Je perds mes mots, mes repères, j’ai l’impression d’être complètement cruche.
Je ne sais pas exactement d’où me vient ce sentiment. Est-ce moi qui a trop longtemps mis les profs sur un piédestal? Ai-je un complexe d'infériorité? Est-ce le système scolaire qui crée cette distance fondamentale entre étudiant.e.s et professeur.e.s, distance que je n’arrive pas aujourd’hui à pallier?
J’essaie petit à petit d’avoir plus confiance en moi lorsque je rencontre mon directeur. Je me rappelle que c’est une personne normale après tout… mais pour l’instant, je trouve que j’ai encore beaucoup de chemin à faire pour surpasser mon blocage.