Les gars, il faut qu’on se parle de tout ce qui se passe avec #MeToo, Eric Salvail et Gilbert Rozon
Carolane StratisSalut, je m’appelle Carolane Stratis et ça fait 31 ans que je suis féministe. C’est vrai que j’ai été un esti de bout à me dire que j’étais un special snowflake pis que je me considérais pas tant féministe que ça. Je voulais faire partie du boys club, comme plein de filles que je vois sortir présentement dans les médias. C’est vrai que j’ai eu des histoires de violence, des propositions sexuelles de la part de mes employeurs (je parle de toi, le maudit boss de la crémerie qui voulaient me montrer c’était quoi faire l’amour et qui m’obligeait à porter des jupes blanches courtes, par hygiène, quand j'avais 15 ans), j’ai vécu un viol, j’ai subi de la manipulation dans une relation amoureuse et j’en suis venue à faire une dépression qui dure depuis 5 ans, parce que la vie, quand t'es une fille, c’est pas si nice que ça, finalement.
Je regarde la semaine aller et je suis donc fière de mes ami.e.s. Je suis donc fière qu’on prenne la parole et qu’on puisse enfin BURN ALL THE WITCHES qui pourrissent nos vies depuis trop longtemps. Mais (parce qu’il y en a toujours un) je suis fatiguée de voir les boys autour de moi faire comme si l’éléphant dans la pièce n’était pas aussi gros qu’il en a l’air et de s’étonner que tout est en train de péter.
Aujourd’hui, les gars (parce que que guess what, ça passe par vous ces affaires-là), j’ai envie de vous parler et de vous dire que vous avez un rôle à jouer dans tout ça, pis que je suis fatiguée d'en parler sans être écoutée. Je suis fatiguée de voir des avocats du diable questionner les propos des femmes (et des hommes, surtout homosexuels) et de me faire ensuite tirer le tapis sous les pieds par des boy feminists qui prennent la parole à la place des personnes qui se battent depuis tant d’années pour faire passer des messages qui, je m’excuse même pas, sont crissement obvious. Je suis fatiguée de voir des sauveurs dire les mêmes affaires qu’on répète sans cesse et de les voir se faire acclamer, respecter et mettre sur un piédestal quand c’est les mêmes rengaines qu’on dit depuis toujours.
TAKE A SEAT MEN.
Si vous voulez aider, sachez que mon but n’est pas de vous faire taire, mais de vous montrer comment vous pouvez être de vrais alliés pour les femmes qui ne sont pas seulement vos mères, vos sœurs, vos filles, mais qui sont aussi des êtres humains à part entière. Je veux vous montrer que c'est possible d'être des vrais alliés.
Premièrement, écoutez. C’est aussi simple que ça. Arrêtez de prendre la parole pour nous et de nous dire quoi faire ou ne pas faire. Arrêtez de minimiser les actes que vous voyez et ridiculiser les limites qu’on met. Prenez du recul et laissez-nous la place qu’on mérite, celle qui est égale à vous. Vous n’avez pas à remettre en question nos débats et la façon dont on les tient. Vous n'avez pas à nous dire qu'on est trop émotives ou qu'on est trop en criss. Vous n’avez pas à minimiser les agressions qu’on subit quotidiennement, dans toutes les sphères de nos vies, ou prendre la parole pour nous. Ça me fait assez chier de voir des personnes prendre leur courage à deux mains pour parler de leurs agressions et de toujours voir des sauveurs prendre tout le mérite de notre courage.
Deuxièmement, dénoncez. Vous nous dites tout le temps que tant qu’il y a le bénéfice du doute, on ne peut pas accuser personne. Mais ça gosse. Vous ne savez pas comment on est traitées quand on en parle. Comment on était habillée? Est-ce qu’on avait bu? Est-ce qu’on est sûre, dans le fond, qu'on ne voulait peut-être pas un peu? Genre, après ça, demandez-vous pas pourquoi la plupart des gens ne font pas de suite à leur plainte ou que les versions diffèrent d’une fois à l’autre. (Hey, pour le record, j'ai essayé de faire des plaintes à la police deux fois pis ça marche pas, c'est jamais assez, même si c'est des trucs obvious). La chasse aux sorcières, vous l'avez voulue, parce que vous vous êtes tus depuis vraiment longtemps.
Vous voyez un collègue faire des remarques salaces, des agissements désagréables, vous voyez vos ami.e.s pogner des culs dans les bars ou essayer de ramener une fille pas dans son état, prenez place tout de suite. Attendez pas. C’est la seule fois où je vais vous demander de l’aide, parce que justement, quand on est une fille, on est jamais prise au sérieux dans ces moments-là. Il faut le faire dès que vous le voyez, pas quand vous pensez que ça fera votre affaire. Dudes should call out dudes.
L'affaire aussi qui est importante, c'est de dénoncer constamment. Arrêtez de le faire juste quand ça vous fait bien paraître. Essayez de le faire tout le temps, dès que vous êtes face à une situation de marde. L'omerta, c'est fini, les boys. Vous pouvez pas être au courant de toute et ne jamais dénoncer, sauf quand c'est à votre avantage. C'est pas correct et c'est nous utiliser pour vos agendas personnels.
Troisièmement, questionnez-vous. Vous avez tous été des douches une fois dans votre vie, je suis assez sûre de ça. C’est normal (pour employer des mots à la mode), on vit dans une société patriarcale de marde avec de la masculinité toxique à la pelletée. En vous questionnant pis en nommant vos comportements problématiques, il se peut que vos amis se rendent compte qu’ils ont aussi été pas corrects et que ça affecte du monde. T'as été un douche? Aie le courage de le dire, esti. T'es aussi pas un special snowflake que moi.
Finalement, c’est simple de même, prendre part au changement. Je sais que vous allez peut être trouver ce billet agressif, mais comprenez-moi bien, je suis fatiguée et tannée de voir les gars faire comme si de rien était et après reprendre tout ce qu’on dit pour se faire traiter en sauveur. Je dis ça parce que j’ai un fils, pis que je ferai tout en mon possible pour lui montrer comment être la personne la moins toxique possible.