Si un jour on m’avait dit que j’allais tomber amoureuse à plus de 11 000 km de mon petit patelin, je ne l’aurais possiblement jamais cru. Si on m’avait dit que je parlerais à peine sa langue et ne partagerais pas la même culture que lui, j’aurais répondu que c’était pratiquement impossible parce que trop compliqué…
C’était jusqu’à ce qu’un collègue de travail chilien me laisse complètement gaga. Très rapidement, son humour, sa façon de voir les choses et sa simplicité m’ont séduite. Ce fut un très bon motif pour apprendre sa langue à la vitesse V. Tout jouait contre nous dès le départ : les circonstances de mon voyage qui m’empêchaient d’avoir une relation avec une personne du pays d’accueil, le cadre professionnel de nos échanges, mon copain de l’époque et la vision de notre entourage, notamment.
D’un côté comme de l’autre, ce fut un choc pour nos familles. La mienne parce qu’elle n’arrivait pas à concevoir que je me « laisse berner par un pauvre latino qui voulait seulement m’escroquer et immigrer au Canada »… Et la sienne parce qu’il était impossible qu’une « riche Canadienne s’intéresse sans motif autre que l’amour à un pauvre tiers-mondiste de la campagne chilienne. »
Après mon stage au Chili, j’ai dû rentrer au Québec sans savoir si j’allais pouvoir revenir à ses côtés. Un amour à distance, avec une personne à peine rencontrée trois mois auparavant, ça faisait beaucoup d’incertitude, autant pour lui que moi. Mais, nous avons pris le risque et nous avons marché ensemble un pas à la fois, sans trop nous casser la tête. Nous avons passé six mois et demi à parler sur Facetime TOUS les jours. Il faut dire que les technologies aident grandement à éliminer les frontières. Bien entendu, ce ne sera jamais comme en personne, mais nous avons réussi en gardant contact.
Quand mon amoureux a acheté son vol, ce qui représente pas moins de deux mois entiers de salaire pour lui, afin de venir connaître ma famille, lui qui n’avait jamais pris l’avion ni obtenu un passeport auparavant, les gens ont commencé à penser qu’il pouvait au fond être un bon gars. Sa famille avait pour sa part peur que je ne revienne jamais au Chili et que je lui brise le cœur, ou encore qu’il veuille vivre au Québec et qu’il brise le leur. Je tiens à préciser que j’ai toujours eu l’intention de revenir au Chili et qu’il n’a aucunement été question que ce soit l’inverse dès le départ. J’aime ce pays et j’adore son rythme de vie et avec le temps, j'ai développé mon petit réseau d'amis ici. Mais ça, c’est une autre histoire.
Mon amoureux n'avait jamais mis les pieds dans la neige ni expérimenté la sensation de 30 degrés sous zéros. Il a adoré et me dit sans cesse qu'il a hâte de retourner au Québec!
Malgré la barrière gigantesque de la langue entre mon amoureux et mon entourage, ses trois semaines au Québec ont été extraordinaires. Tous.tes sont tombé.e.s en amour avec lui et vice-versa. Je dirais que cela a permis de donner de la crédibilité à notre amour aux yeux des autres. Mais il y en a toujours qui ne sont pas entièrement convaincus que notre histoire tient la route pour des vrais motifs deux ans plus tard. Tant pis, ils ne font plus partie de mon cercle d’amis…
Quand je suis revenue au Chili 10 mois après notre première rencontre, il y a eu d’autres défis. Il a fallu s’adapter à la vie de couple. Au Chili, il est assez peu commun pour des raisons monétaires et culturelles qu’une fille parte de chez ses parents à 16 ans et vive toute seule, ce qui fut mon cas. Venir vivre chez la famille de mon amoureux très traditionnelle et machiste a été particulièrement éprouvant pour moi. Ne plus pouvoir cuisiner, laver mes vêtements ni me sentir chez moi a été un gros choc. Heureusement, après deux mois nous sommes emménagés avec des amis. En fait, depuis le début, ce qui fait que notre relation fonctionne malgré les distances culturelles qui existent entre nous est la présence constante de communication. Chaque fois que quelque chose survient, nous en parlons immédiatement et calmement en tentant de trouver une solution. Nous arrivons toujours à nous comprendre parce que nous n’avons pas peur de verbaliser les choses et je ne parle pas que du négatif. C’est quelque chose qui n’arrive pas dans tous les couples, en tout cas dans mes autres relations qui étaient toutes avec des Québécois… C’est tellement sain, je trouve, de passer un moment agréable, de s’en rendre compte et de se le dire, ou encore de remercier l’autre pour un petit geste qui nous fait du bien. Quand ça vient des deux côtés, c’est encore plus génial!
Nous sommes chacun curieux et intéressés de faire découvrir notre propre culture à l'autre. Maintenant j'adore la musique et les plats chiliens pendant que mon amoureux est fou des Cowboys Fringants, des Colocs et de la poutine!
Avec mon amoureux, nous sommes très semblables dans notre façon d’être. Par exemple, le même type de chose nous affecte et nous sommes anxieux dans le même genre de situations. C’est donc facile de se mettre dans la peau de l’autre et de se comprendre. Il est exceptionnel de pouvoir vivre cette symbiose considérant que nous n’avons pas du tout les mêmes références culturelles et des expériences de vies totalement différentes.
Avec le recul, je dirais que les grandes clés de notre relation sont sans aucun doute la communication, la simplicité et le respect. C’est pour ça, je crois, que nous ne nous sommes jamais chicanés en plus de deux ans. Bien entendu, nous ne partageons pas la même opinion sur tout, nous sommes parfois en désaccord. Mais nous ne nous sommes jamais chicanés pour ça, on se respecte dans nos choix et ça finit là.