Quand j’étais enfant, j’étais très tomboy dans mon apparence : je portais des vêtements « de garçon » (pour ce que ça veut dire…), et je m’intéressais avant tout aux jeux vidéo et je tripais sur le Seigneur des Anneaux. Je me faisais beaucoup niaiser pour ça, surtout par les garçons : je me faisais dire que j’étais laide, inintéressante, nerd, toutes sortes de choses comme ça. Alors, quand je suis devenue adolescente, mon identité s’est beaucoup construite autour de mon rejet des normes féminines, contre lesquelles j’avais beaucoup de ressentiment.
Je jouais de la batterie, j’étais « métalleuse », et je me vantais de mieux m’entendre avec les gars, d’être « one of the boys ». J’allais même jusqu’à me moquer des filles qui se maquillaient, pensant que j’étais supérieure, car, à l’époque, je ne me maquillais pas. Dans ma tête, cela voulait dire que j’avais plus confiance en moi qu’elles, que j’étais moins « superficielle ». Sur mon Skyblog (lol), j’avais fait de nombreux articles expliquant pourquoi c’était stupide de se maquiller et qu’à la place ce temps et cet argent pouvaient être investis dans… DES LIVRES, t'sais, pour se cultiver. Oui, j’étais vraiment un cas désespéré! Et j'ai beaucoup changé depuis, disons…
Au fil du temps, cependant, j’ai commencé à réaliser que, même si je pouvais parfois en avoir l’impression, je n’étais jamais vraiment one of the boys. Un événement qui m’a particulièrement frappée est quand je m’étais fait laisser par mon ex, avec qui j’avais été pendant presque six ans. À ce moment de ma vie, mes amis proches étaient presque exclusivement des hommes, et je me sentais vraiment « dans la gang ». Par contre, dès que je me suis fait laisser, j’ai senti un immense changement. J’ai senti que j’étais regardée différemment, et je me faisais énormément cruiser, ce qui était pourtant vraiment difficile à vivre et nuisible. Sortant d’une longue relation, j’étais mélangée par rapport à ce que je cherchais, et toute cette attention d’un coup sec, c’était trop. Je ne sentais pas de réelle compassion, je me sentais comme une proie blessée.
Je me suis rapprochée de mes amies, et c’est avec elle que j’ai appris à retrouver le plaisir dans les activités « girly » que je sentais auparavant le besoin de mépriser. En fait, je me suis rendu compte que je faisais erreur en ayant du ressentiment contre les stéréotypes féminins ; ce qu’il faut combattre, c’est plus directement le patriarcat, et le sexisme qui le caractérise. C’est ce sexisme qui était mon réel ennemi tout ce temps. Et pourquoi être fâchée contre les femmes qui entraient dans les stéréotypes plutôt que contre les hommes qui m’insultaient et m’intimidaient? Quand j’y repense, c’est un peu étrange. Je me sens vraiment mieux depuis que je me suis débarrassée de ce ressentiment envers les personnes de mon genre et cela m’a permis d’avoir plus d’amitiés significatives avec des femmes.
J’ai encore beaucoup de chemin à faire, mais j’ai fait énormément de travail pour combattre mes attitudes de misogynie internalisée, par lesquelles j’avais du mépris pour tout ce qui était culturellement associé à la féminité. Même que maintenant que je suis dans un domaine genré masculin où cette attitude est courante, j’ai développé une « féminité de résistance ». Au lieu de refouler mes intérêts stéréotypés féminins, je les vis à fond et de manière assumée. Cela me permet d’envoyer un message : mes intérêts féminins ne me rendent pas moins intelligente, moins cultivée ou moins sérieuse que quiconque. On peut être soi-même, et cela implique que, parfois, on fit dans les stéréotypes et parfois, non. Pis ça, c’est vraiment correct.