Dans les milieux féministes, on est bien au courant de la difficulté qu’ont les femmes à dire non et à s’affirmer sur leurs limites, et ce puisque leurs refus sont rarement respectés. Allant du débat jusqu’au meurtre, en passant par la manipulation et le viol, les femmes connaissent malheureusement trop bien les conséquences d’un homme ayant l'égo blessé.
Dans le cas de relations intimes, ce danger devient encore plus réel et même insidieux en se transformant en chantage émotif et en pressions pour satisfaire son partenaire. Ce sentiment de droit sur les femmes, sur leur sexualité, leur labeur émotionnel, leur temps et leur attention est quelque chose de sournois et de répandu chez les hommes.
Alors si nous voulons terminer une relation sentimentale, la tâche peut devenir des plus délicates. Une femme qui laisse son copain est très souvent considérée comme une bitch et je réalise maintenant que c’est parce que nous n’avons pas le choix de mettre le chapeau pour que notre ex nous laisse tranquille. J’ai remarqué ce phénomène très souvent avec les femmes de mon entourage où, une fois la relation officiellement terminée, l’homme s’en donnait à cœur joie pour expliquer au monde à quel point son ex était « dont ben une folle », et j’ai pu le contempler en premier plan lorsque j’ai enfin pris mon courage à deux mains pour sortir de cette relation qui ne menait nulle part avec cet homme qui, lui, était encore très amoureux de moi. Ouffff…
Au départ, je souhaitais que l’on reste amis, car nous étions capables d’avoir une belle complicité et nous avions beaucoup d’intérêts communs. Malheureusement, il n’était pas d’accord avec l’idée de ne pas m’avoir tout entière pour lui. Il me posait mille et une questions au sujet de mes motivations en me demandant d’où ça venait, preuves à l’appui, avec le pourquoi du comment du quoi de quessé. Je me sentais scrupuleusement analysée.
À la moindre faille, il fonçait sur la chance de me faire chanceler et changer d’idée. Puisque j’essayais de naviguer sur tout ça sans le blesser, je n’arrivais pas à lui faire comprendre que je le laissais pour vrai, pour de bon. Il s’accrochait à des virgules, il me bousculait pour des filaments d’espoir et refusait de m’écouter calmement.
Et tout ça fait partie du labeur émotionnel qu’on impose toujours aux femmes : même lorsqu’elles laissent leur chum, elles doivent gérer ses feelings et réactions. Il était tellement ardu de marcher cette fine ligne entre respecter mes désirs, mes limites, et ne pas heurter son égo, que je ressemblais à une girouette funambule : tantôt je disais à mes amis que c’était fini, pour le lendemain leur déclarer que peut-être que je devrais lui laisser une chance, malgré tout mon être qui me criait NON.
Il a finalement compris que notre couple était terminé lorsqu’il a commencé à développer l’espoir de regagner mon amour. Au début, ça ne me dérangeait pas, je me suis dit qu’à force d’agir juste en amie il comprendrait et passerait par-dessus. Cependant, il est devenu extrêmement demandant, m’envoyant des messages tous les jours et essayant de m’appeler tous les soirs, m’accusant de l’ignorer et de le maltraiter lorsque je prenais plus de 12 h pour répondre.
Chaque fois que je l’appelais, la conversation finissait toujours avec lui qui pleurait, me suppliait ou argumentait pour lui laisser une autre chance. Je n’avais vraiment plus envie de lui parler. Encore une fois, j’étais coincée dans une relation malsaine et stressante qui me demandait beaucoup plus de gestion que nécessaire. C’est pourquoi récemment, quand il m’a demandé qu’on se voie, j’ai hésité, pour finalement lui dire que je ne me sentais pas encore à l’aise, ce qui l’a profondément blessé. Il a alors commencé à me harceler en m’appelant une dizaine de fois, me laissant deux messages vocaux et une trentaine de SMS où il m’insultait. À partir de ce moment, j’ai tout essayé pour qu’il me laisse tranquille. J’ai tenté de le raisonner, de lui demander gentiment, d’être sarcastique, de lui donner raison pour qu’il lâche prise, puis je l'ai menacé de faire une plainte à la police, ce qu’il n’a vraiment pas pris au sérieux. Étant au travail et donc limitée dans mes actions, j’ai dû me rabattre sur la dernière option, celle que je redoutais tant : être bitch. Je lui ai dit une chose, je lui ai envoyé un seul SMS avec une insulte, mais ce fut suffisant. Il m’a répondu et il a bloqué mon numéro, enfin!
…Sauf que je n’étais pas sortie du bois. Puisque maintenant, j’étais l’ex bitch. Je justifiais son harcèlement, ses comportements abusifs que sa famille qualifie simplement « d’erreurs ». Parce que oui, c’était désormais une affaire de famille! Sa mère m’a envoyé un message moralisateur pour me dire à quel point j’avais rendu son fils triste, en me demandant rien de moins que de mettre fin à sa souffrance. Je lui ai répondu qu’il était le seul responsable de sa douleur.
C’est toujours comme ça. Plus jeune, je me demandais pourquoi j’étais toujours la méchante. Eh bien, j’ai ma réponse. On attend des femmes qu’elles existent pour les hommes, qu’elles les aident, les réparent, les cajolent, les consolent… et si elles échouent à la tâche, si elles pensent à elles, si elles les heurtent le moindrement, si elles s’affirment et disent non, alors elles sont mauvaises, on doit les haïr.
Je ne voulais vraiment pas l’insulter. Malgré tout, j’ai encore de la compassion pour lui, et je me sens mal qu’il soit tant en détresse. J'aurais aimé finir ça à l’amiable, de façon mature. On fait tout pour un homme, mais une fois qu’on en peut plus, on devient un monstre aux yeux de l'entourage. C’est pourquoi une femme qui laisse son chum est une bitch.